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lundi 2 décembre 2024

La Réunion à la croisée des chemins de la francophonie

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Les Troisièmes Rencontres de l’Océan Indien, qui se tiennent à la Réunion du 18 au 21 mai, prennent une dimension mondiale en 2021. Ce rendez-vous des professionnels de la communication et de la publicité a lieu pour la troisième fois. Mais c’est la première fois qu’il propulse la Réunion, et avec elle la région francophone de l’océan Indien, au premier rang de la francophonie. Il est peu fréquent par ailleurs que les acteurs de la communication et de la publicité s’expriment sur leur activité et leur rôle dans la société. D’où la valeur des témoignages des deux chefs d’orchestre des Rencontres: Christian Cappe, président de l’Union Francophone (UF) et Thomas Giraud-Castaing, président de l’Association des agences-conseil en communication (AACC) Outre-mer, par ailleurs secrétaire de UF et directeur de l’agence Zoorit.

Pouvez-vous rappeler ce qu’est l’Union Francophone, dans quel but et par qui elle a été fondée ?

Christian Cappe (CC) : L’Union Francophone est une plateforme qui a été créée de manière opérationnelle en mai 2018. Elle est née à mon initiative suite aux rencontres avec les anciens ministres des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie et Hubert Védrine, ainsi qu’avec de grands dirigeants de la publicité et des médias, qui m’ont encouragé à me lancer dans cette aventure. Les partenariats privés et institutionnels ont dès lors été nombreux. L’Union Francophone a pour vocation de créer un marché commun entre les acteurs du monde de la communication, que sont les médias, la publicité, les agences et le secteur du numérique. Elle permet de donner de nouveaux moyens aux médias francophones dans le monde, particulièrement à l’ère de la transformation numérique. L’UF s’intéresse aux jeunes professionnels de la publicité, organise des conférences à vocation pédagogique sur les métiers du secteur et, plus récemment, élabore des propositions à caractère réglementaire à destination des pouvoirs publics (concernant par exemple l’extension des aides octroyées à la presse métropolitaine, à la presse ultramarine, le budget relance, les questions liées aux GAFA, etc.).

Est-elle liée à l’Organisation internationale de la Francophonie ?

CC : L’UF collabore avec les services de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Elle a obtenu le label lié au Cinquantenaire de la Francophonie. Elle collabore pour des projets liés à l’Océan Indien et devrait impliquer les services de l’OIF concernant les problématiques liées au climat et au développement durable à Montréal. Des projets communs entre l’OIF et l’UF sont en cours.

Quel lien relie l’Association des agences-conseil en communication Outre-Mer et l’Union Francophone ?

CC : Historiquement, le président de l’Association des agences-conseil en communication Outre-mer a participé aux premières Rencontres de l’Océan Indien à Maurice. L’AACC Outre-mer a ensuite encouragé et invité l’UF à organiser les Rencontres de l’Océan Indien à La Réunion. L’AACC Outre-mer a permis l’implantation durable de l’UF à La Réunion. J’en remercie d’ailleurs Thomas Giraud-Castaing. Par ailleurs, l’Union Francophone a établi son siège social pour le monde à La Réunion, et Thomas en est le secrétaire.

Il y a quelque chose de toujours inédit en 2021 à percevoir La Réunion comme un centre de rayonnement de la langue française, un pôle de la francophonie. L’île elle-même ne se perçoit pas ainsi. Quelle vision de la Réunion sous-tend votre action ?

CC : Il ne peut y avoir d’échanges culturels, économiques, sociaux ou politiques sans une parfaite compréhension des hommes et des femmes. La maîtrise d’une langue commune est essentielle à tous les échanges. L’île de La Réunion, au même titre que les autres pays francophones de la région, sont à l’origine d’un marché commun dans les services qui a aujourd’hui un potentiel de 28 millions de consommateurs.  Ce qui importe ce n’est pas l’utilisation du français en particulier, mais le fait de disposer d’une langue commune, de l’utiliser comme un bien commun. L’Union Francophone ne promeut pas forcément la langue française, mais utilise ce capital commun comme un outil de relation entre les peuples de la région.

Y a-t-il une manière de voir, française ou francophone, qui nous distingue en particulier des anglo-saxons, en communication et publicité ?

CC : La langue française ne peut pas être considérée comme un outil de communication exclusif. Elle est toujours utilisée, au même titre que les langues locales, pour mieux communiquer. Par exemple, le créole à La Réunion, l’anglais ou le mauricien à Maurice, etc. La langue française est un outil commun utile aux échanges mais ne peut pas être le reflet d’une culture exclusive. Par essence, c’est une langue d’ouverture sur les autres qui offre un grand choix de liberté dans l’expression orale.

Les premières Rencontres de l’Océan Indien ont eu lieu à Maurice en 2018. Les deuxièmes à la Réunion en 2019. Quels enseignements avez-vous tirés de ces deux premiers rendez-vous ?

CC : Les premières Rencontres de l’Océan Indien ont permis de commencer à répondre à une attente, à une volonté de multiplier les échanges entre les pays de la zone Océan Indien dans le domaine de la communication. Elles ont aussi mis en lumière la volonté d’accélérer la constitution, l’organisation de filières regroupant les marques et annonceurs d’un côté, les agences de l’autre et enfin les médias. Le contexte de la crise sanitaire, la transformation numérique et la rapidité des changements imposés créent un appel à connaissances, un appel à échanges, et à de nouvelles formes de relations commerciales entre les acteurs du métier. Les Rencontres de l’Océan Indien traduisent le bouleversement de l’économie, pour laquelle il va falloir déployer agilité et innovation.

Les Troisièmes Rencontres se font dans le contexte de la crise sanitaire et économique qui a touché de plein fouet le secteur de la communication. Ce secteur compte une cinquantaine d’agences à la Réunion. Comment se portent-elles en ce début du deuxième trimestre de 2021 ?

Thomas Giraud-Castaing (TGC) : L’année 2020 a été compliquée, la compression soudaine des budgets média ont obligé les agences à bouger vite, et leur digitalisation a pris un grand coup d’accélérateur. J’ai l’impression que l’écosystème a bougé très vite. Les gros groupes et les grosses agences ont retrouvé des tailles plus humaines et de nouveaux acteurs, plus jeunes, et digital natives ont fait leur apparition sur le marché. L’année 2021 est donc l’année du changement. Cela fait du bien car cela faisait longtemps que cela n’avait pas bougé. Au niveau national cela bouge aussi énormément. La publicité est au centre du débat sur la transition écologique et du bien-être au travail. La filière entière est en train de se repositionner pour devenir plus « responsable ».

CC : L’Union Francophone a pour mission d’apporter des nouvelles pistes de création de valeur ajoutée pour toutes les parties prenantes (les médias, les agences, les acteurs du numérique, les annonceurs) dont l’objectif ultime est de permettre de créer les conditions d’une nouvelle croissance économique créatrice d’emplois, respectueuse à la fois des engagements sociétaux et environnementaux.

On observe depuis quelque temps un net changement dans la communication des marques sur leurs produits. Cette montée en puissance de la communication responsable est un thème des Troisièmes Rencontres de l’Océan indien. Les agences ont-elles vocation à simplement accompagner ce mouvement ou à l’impulser en incitant les marques à franchir ce pas du discours vérité ?

TGC : La publicité a toujours été un marqueur du présent et un accélérateur de tendances. On le voit, la communication a été l’enjeu majeur de l’année qui vient de passer. Que ce soit pour les institutions ou les marques, le citoyen a pris le pouvoir grâce aux réseaux sociaux et celui-ci est quasi absolu. Les agences savent depuis toujours que la sur-promesse n’est pas une position tenable dans une prise de parole, car le retour de bâton est immédiat. Nos agences prônent donc depuis longtemps la congruence, le fait d’être aligné entre ce que l’on dit et ce que l’on fait. Les marques en ont maintenant pris conscience et commencent à se l’appliquer, mais changer les habitudes prend du temps. Dire à un annonceur qu’à long terme, il est plus bénéfique de faire des actions citoyennes et de le faire savoir que de faire des affiches promotionnelles, n’est pas évident. Nous devons l’aider à trouver le juste équilibre et il ne peut y avoir de tromperies envers le consommateur, cela a l’effet inverse. Le green washing dans le temps, le social washing maintenant, ont prouvé que la sincérité était une des valeurs primordiales attendues par les consommateurs.

CC : L’Union Francophone doit être un accélérateur de l’engagement des acteurs du monde de la communication en faveur des grandes causes et de la responsabilité. Nous avons voulu illustrer l’implication des jeunes talents qui vont plancher sur des programmes de publicité sur le climat. L’ambition des troisièmes Rencontres de l’Océan Indien et, plus globalement, de l’Union Francophone dans la région est de permettre de placer les pays de la zone Océan Indien, en particulier La Réunion, au cœur des échanges à la fois créatifs, commerciaux et médiatiques au sein de la zone indo-pacifique. Elle doit favoriser l’émergence de filières d’excellence en accueillant les meilleurs talents sur le plan suprarégional (que ce soit dans les pays francophones, anglophones ou lusophones). Le monde de la communication et de la création a, de fait, une obligation qui est d’ouvrir une nouvelle voie dans laquelle l’ensemble des acteurs économiques, éducatifs et politiques doivent s’engouffrer.

Ce qui était une contrainte se révèle un avantage : le programme des Troisièmes Rencontres est impressionnant du fait, notamment, d’une internationalisation facilitée par de nombreuses visioconférences. Qu’attendez-vous de ce troisième rendez-vous ?

CC : Le contexte sanitaire a propulsé et va propulser les troisièmes Rencontres de l’Océan Indien d’une envergure régionale à une dimension mondiale. Après l’annulation de son équivalent à Paris – les Rencontres de Paris – en mars 2020 du fait du confinement, tout le dispositif initialement prévu dans la métropole (programme, conférenciers, thématiques et rencontres au plus haut niveau), a été rajouté au programme des Rencontres de l’Océan Indien. Ainsi, les jeunes talents qui auront pour objectif de travailler sur des projets de campagnes de publicité sur le climat ont vu leur nombre passer de 30 habituellement à 200. Ils seront originaires du Cambodge, de l’Afrique, de l’Océan Indien et du Canada. Les discussions liées au financement des médias dans l’Océan Indien ont été élargies et transformées au format de table ronde. Il permettra de lister des propositions réglementaires sur les GAFA ; propositions qui seront soumises aux chefs d’État en novembre prochain au sommet de la Francophonie à Djerba. De nombreux experts feront le déplacement à La Réunion, d’autres seront interviewés à partir de studios basés en métropole ou ailleurs dans le monde. Ce sont près de 70 conférenciers qui seront impliqués dans cette édition. Aussi, cette édition des Rencontres de l’Océan Indien s’ouvrira fortement sur l’Afrique, aussi anglo-saxonne.

Sur quelles bases des agences qui, au quotidien, sont concurrentes peuvent collaborer à créer ce que vous appelez « un marché commun des métiers de la communication et du numérique ». Pouvez-vous préciser cette notion de « marché commun » et fournir des exemples de qu’il pourrait apporter aux entreprises du secteur ?

TGC : Si nous sommes concurrentes au quotidien, nous avons des préoccupations communes. La première est de faire comprendre au monde économique que nos réflexions, notre savoir-faire, notre créativité et nos capacités à gérer des projets sont des leviers de création de valeur pour les entreprises et marques locales et régionales. La prestation de services quand elle est immatérielle est difficile à valoriser. En œuvrant pour ce marché commun, nous mettons autours de la table toutes les parties prenantes : les annonceurs, les médias et les agences et de façon générale la société civile. Ce marché commun est aussi l’occasion d’échanger et de présenter des actions menées dans des pays similaires à notre territoire, avec les mêmes contraintes (insularité, limitations économiques, etc.). C’est l’occasion pour nos agences également de mettre en avant notre savoir-faire auprès des acteurs de la zone, de voir plus loin, et de montrer que nos structures sont adaptées à des développements dans les nouveaux marchés.

CC : Au vu de la structuration de la filière réunissant les agences de publicité de l’Océan Indien, de la relation avec les marques et annonceurs, le regroupement des médias et annonceurs de presse dans une même entité va être un formidable écrin pour accélérer la transmission de savoir-faire, d’échange de contenu et d’expérience. L’objectif est de dépasser le cadre insulaire et d’aller au-delà des mers pour augmenter son activité et partager ses connaissances et expériences.

Propos recueillis par Olivier Soufflet et Julie Simons (Run Concept)

Thomas Giraud-Castaing, président de l’Association des agences-conseil en communication OUTRE MER

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