L’agroalimentaire français traverse une crise silencieuse mais profonde. Entre image peu valorisée, conditions de travail parfois difficiles et concurrence accrue d’autres industries, les entreprises agroalimentaires peinent à trouver les compétences dont elles ont besoin. Claire Baruffi, fondatrice de Megabar, agence spécialisée dans l’attractivité des entreprises et la marque employeur, propose plusieurs pistes de réflexion et d’action.
Avec 61 % des recrutements jugés difficiles selon une étude de Pôle emploi, le secteur peine à attirer et fidéliser les talents. Pourtant, il est stratégique : premier employeur industriel du pays, il regroupe plus de 528 000 salariés. Malgré cette importance dans l’économie française, l’agroalimentaire souffre d’un déficit d’image auprès des jeunes. Beaucoup associent encore le secteur à des conditions de travail pénible, à des métiers peu qualifiés ou à un manque d’innovation. Pourtant, les entreprises du secteur évoluent, notamment sur les questions environnementales et technologiques. « Le secteur agroalimentaire doit raconter une autre histoire. Il y a des opportunités incroyables, de la recherche et développement, des engagements forts sur l’environnement et des projets passionnants. Mais si ces aspects ne sont pas mis en avant, comment voulez-vous séduire de jeunes talents ? Aujourd’hui, les candidats choisissent des entreprises qui ont du sens. L’agroalimentaire doit prendre ce virage. »
L’expérience du collaborateur : un levier clé pour fidéliser
Attirer des candidats, c’est une chose, mais encore faut-il les garder. De nombreuses entreprises agroalimentaires font face à une rotation importante, notamment dans les métiers de la production. Des conditions de travail difficiles, un manque de perspectives d’évolution et une culture d’entreprise parfois rigide sont souvent pointés du doigt. Pourtant, certaines sociétés ont su inverser la tendance en misant sur la qualité de vie au travail et sur des parcours de carrière attractifs. « Les candidats ne veulent plus seulement un job, ils cherchent une expérience. Il faut se poser la question : que propose-t-on au-delà du salaire ? Flexibilité, formations, accompagnement managérial… L’agroalimentaire doit se moderniser et s’adapter aux nouvelles attentes. Sinon, il continuera de perdre des talents au profit d’autres secteurs plus attractifs. »
Recruter autrement : oser de nouvelles approches
Face aux difficultés de recrutement, certaines entreprises misent sur des stratégies innovantes. Partenariats avec des écoles, recrutement via les réseaux sociaux, valorisation de leurs salariés comme ambassadeurs… Autant de leviers qui permettent d’élargir les viviers de talents. Mais ces pratiques restent encore peu développées dans l’agroalimentaire. « Il faut sortir du schéma classique du recrutement. Publier une annonce et attendre que les candidats viennent, ça ne fonctionne plus. Les entreprises doivent aller chercher les talents là où ils sont, en montrant leur quotidien, en racontant leur histoire, en donnant envie, en laissant les salariés en parler simplement. Le digital et les réseaux sociaux sont des outils formidables pour ça. »
L’intelligence artificielle au service du recrutement
Dans un contexte de pénurie de talents, l’intelligence artificielle s’impose peu à peu comme un outil clé pour optimiser le recrutement dans l’agroalimentaire. De la sélection des CV à l’automatisation des premiers entretiens, en passant par l’identification de candidats passifs, les algorithmes permettent de gagner du temps et d’améliorer la pertinence des embauches. Pourtant, le secteur agroalimentaire accuse du retard dans l’adoption de ces technologies par rapport à d’autres industries. « L’IA n’est pas une menace pour le recrutement humain, c’est un levier d’efficacité. Elle permet de trier les candidatures plus rapidement, d’analyser les compétences de manière plus fine et même de prédire si un candidat est en adéquation avec la culture de l’entreprise. Mais trop peu d’entreprises agroalimentaires l’exploitent réellement. Il est temps d’arrêter de voir ces outils comme un gadget et de les intégrer pleinement dans les stratégies RH. »
Une alliée précieuse
L’IA peut aussi améliorer l’expérience du candidat, en fluidifiant le parcours de recrutement, en personnalisant les échanges et en réduisant les délais de réponse, souvent cités comme un point de frustration par les postulants. « Un recrutement, c’est une expérience. Aujourd’ hui, des chatbots RH peuvent répondre aux questions des candidats 24/7, des outils d’évaluation en ligne permettent de tester les compétences en situation réelle, et des algorithmes aident à ‘‘matcher’’ les bons profils avec les bonnes offres. Pourquoi s’en priver ? » Si l’IA ne remplacera jamais le rôle humain dans le recrutement, elle peut devenir une alliée précieuse pour un secteur qui a besoin de moderniser ses méthodes et d’attirer les nouvelles générations.