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La Réunion
vendredi 5 décembre 2025

GROUPE ISAUTIER | Une aventure familiale unique

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Ambition, diversité, responsabilité : trois mots clés s’affichent à l’entrée du siège d’Isautier, à Saint-Pierre. Ils ne résument pas à eux seuls « l’esprit start-up » que cultive l’entreprise presque bicentenaire, mais en font partie. Chez Isautier, le quotidien se nourrit, en plus d’un esprit d’équipe, d’une « ambiance » pour reprendre l’expression des deux dirigeants du groupe, Jérôme Isautier, président-directeur général, et Cyril Isautier, directeur général délégué et directeur du pôle Boissons. Cent quatre-vingts ans après sa naissance, Isautier apparaît comme un modèle de créativité et d’audace, mais réfléchie et lucide, puisant son énergie dans une fidélité sans faille à La Réunion. Au cours de sa longue histoire, la plus ancienne entreprise de l’île a connu des hauts et des bas, mais elle n’a jamais renoncé. Le dernier de ses hauts l’a propulsée dans la cour des grands du marché des spiritueux avec ses célèbres Arrangé. C’est un plaisir d’entendre raconter le grand voyage de la gamme Arrangé Isautier par les deux pilotes du navire. Cette année, la maison connaît un autre succès, d’estime et de prestige cette fois, avec la gamme Agent Double, qui lui vaut une reconnaissance mondiale. Isautier a eu l’idée de créer un nouveau type de rhum blanc, d’abord par l’assemblage de rhums de mélasse et agricole, puis, poussant l’innovation plus loin, en réussissant la prouesse technique de la cofermentation des deux matières premières. Le lancement, il y a quelques semaines, de Fizz, une gamme de cocktails légers prêts à boire à base de fruits et de rhum en canette de 25 cl, constitue à nouveau une première sur le marché du rhum. Et cette production, comme toutes les précédentes, est 100 % péi. Désormais structuré en trois pôles (Isautier Boissons, Isautier Agriculture, Isautier Patrimoine et Promotion), Isautier écrit à présent une nouvelle page de son histoire en mettant en œuvre une stratégie d’investissement et de croissance pour gagner en force et en moyens. Mais toujours dans ce même état d’esprit, comme nous l’expliquent Jérôme et Cyril Isautier…

À gauche, la célébration des 180 ans d’Isautier, le 4 octobre 2025. En haut à droite, le siège d’Isautier, à Saint-Pierre, en 1964. En dessous : une étiquette de rhum Veuve Isautier & Fils au XIXe siècle. C’est sous le règne du roi Louis-Philippe que Louis et Charles Isautier fondent l’entreprise familiale. À la mort de Charles Isautier, sa veuve, Antoinette, fait entrer la maison dans une nouvelle ère…

Leader Réunion : Vous appartenez à la septième génération de la famille dirigeante d’une maison historique. Isautier a fêté en beauté ses 180 ans le 4 octobre. Qu’avez-vous ressenti lors de cette soirée ?

Jérôme Isautier : Pour moi, ce moment fort a marqué une étape dans l’histoire d’une maison qui a traversé les époques. J’ai connu deux phases lors cet événement. Le soir-même, j’ai ressenti avant tout une énergie collective, celle de gens passionnés, impliqués, souriants, fiers, attachés à leur métier et à La Réunion. Un sentiment de communauté : communauté des salariés, communauté aussi de nos partenaires. Puis le lendemain, j’ai eu le sentiment du devoir accompli envers ces sept générations qui nous ont précédées. J’ai ressenti que cette histoire continue à s’écrire collectivement.
Cyril Isautier : Afficher le succès peut paraître un peu prétentieux. Mais, lorsqu’on regarde objectivement notre histoire, force est de constater qu’elle est assez impressionnante. Dans cette équipe soudée, motivée, qui est restée jusqu’à une heure du matin, il y avait le témoignage de l’ambiance que nous avons réussi à créer et maintenir dans le groupe.

La Maison Isautier s’est beaucoup diversifiée au cours de sa longue histoire. Elle a toujours évolué. Elle a vécu des moments difficiles. Peut-on dire que c’est aujourd’hui qu’elle connaît son plus grand succès ?

J.I. : L’histoire de notre entreprise est faite de cycles. Dans les années 1960, par exemple, Isautier était un groupe extrêmement important à La Réunion. Il employait 800 salariés. Il exerçait plusieurs métiers. C’était la période de la départementalisation. Tout se développait à La Réunion. Isautier participait à ce développement. Notre chance, c’est que nos aïeux étaient de véritables entrepreneurs, conscients de leur responsabilité envers le territoire. Ils ont commis des erreurs, mais, avec le recul, on voit qu’ils ont développé une entreprise très importante. Cette entreprise a connu un reflux dans les années 1970, quand l’ère de la grande distribution a amené la concurrence nationale sur le marché réunionnais. Nous avons eu beaucoup de mal à résister. Nous avons connu des moments difficiles où nous aurions même pu perdre l’entreprise. Nous avons commencé à remonter lentement au cours des années 1990, jusqu’en 2010. Puis nous avons connu la forte accélération des années 2010 à 2023, grâce à la gamme Arrangé. Depuis 2023, nous subissons à nouveau une très forte concurrence, notamment en métropole, de très grands groupes de spiritueux. Nous entrons à présent dans une nouvelle phase, une période à nouveau d’investissement pour préparer le moyen et le long terme. Notre histoire est donc bien faite de cycles. Grâce à elle, nous avons acquis un sens de la responsabilité et de la sécurité qui nous rend vigilants et prudents pour les générations à venir. C’est pourquoi nous ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier.

C.I. : Nous avons su nous réinventer, parfois dans la difficulté, mais toujours dans le mouvement. Notre trajectoire actuelle est solide, nous sommes structurés, clairs sur nos ambitions. Malgré tout, nous demeurons une PME ultramarine, donc par nature fragile. Notre objectif est de devenir plus forts et, pour cela, il nous faut l’ambition de grandir. Nous y travaillons.

Des femmes ont joué, et continuent de jouer, un rôle essentiel dans la vie du groupe Isautier dans des fonctions dirigeantes ou d’exploitation. Un cas unique à La Réunion, et certainement peu courant dans l’Hexagone. Cet aspect est-il important à souligner ?

L’équipe du pôle Boissons. Au total, Isautier emploie aujourd’hui 110 salariés.

J.I. : C’est important, mais nous ne théorisons pas le sujet. Si nous avons beaucoup de femmes à des postes très importants, c’est uniquement parce qu’elles sont les meilleures à ces postes, tout simplement. Marie Ferrand, notre maître de chai, en production, est le nez derrière nos rhums, blanc, brun et vieux. Louise Bouilloux, notre responsable R&D, est le nez derrière nos autres productions. Nous avons aussi une directrice administrative et financière, une directrice des ressources humaines, une directrice de la qualité, une directrice et une responsable scientifique à La Saga du Rhum. L’équilibre et la diversité des profils rendent notre entreprise forte et vivante. Nous sommes fiers qu’elles travaillent pour nous, mais le genre en tant que tel n’est pas un sujet pour nous. Ce qui compte, ce sont la compétence, l’énergie, le travai, l’ambiance créée au travail…

Louise Bouilloux, responsable  recherche et développement, et Marie Ferrand, maître de chai.

Peut-on retracer l’histoire des Arrangé ?

J.I. : Tout est parti d’une réflexion sur notre métier. Métier de plaisir, de convivialité, de joie de vivre, de consommation festive. Bien évidemment aussi de responsabilité. Après nos années les plus difficiles, comme je le disais, nous avons recommencé à investir et nous avons embauché une directrice adjointe, Danièle Lenormand, en 2000. Le climat général était plutôt à l’époque au « pas de sucre,
pas de sel, pas de gras ». Nous nous sommes dit : inventons un produit qui symbolise au contraire la joie de vivre. Avec des goûts puissants. Mais ces premiers rhums arrangés étaient un peu difficiles à boire à la température ambiante. C’est alors qu’est intervenu le petit coup de génie de la congélation. Nous conservions nos tests dans un congélateur, et la congélation produisait une espèce de fusion aromatique qui adoucissait la perception du goût, notamment de l’alcool et du sucre. La consommation givrée se mariait aux différents ingrédients. C’est ainsi que notre concept final de rhum arrangé est né.

C.I. : Nos rhums arrangés sont tout sauf une invention marketing : c’est la réinterprétation moderne d’un savoir-faire local historique. Cette tradition remonte à l’époque de la route des Indes, quand les bateaux de la Compagnie des Indes allaient chercher des épices aux Indes et faisaient escale au retour à l’île Bourbon, l’ancien nom de La Réunion. Le mélange rhum-épices a donné naissance au rhum arrangé. Nous avons transposé ce geste dans une logique de qualité, de régularité et d’origine purement réunionnaise. L’innovation réside aussi dans le caractère gourmand du produit. Les rhums arrangés faits maison sont souvent assez secs. Nous les avons faits plus goûteux, à l’exemple de l’Arrangé banane flambée, notre best-seller qui a fait notre succès en métropole.

L’engouement pour les Arrangé Isautier est-il toujours aussi vif en France ?

J. I. : Les spiritueux, l’alcool, se portent mal en France. Le rhum est aussi dans le dur actuellement. Une seule catégorie s’en sort un peu mieux : les rhums arrangés. Mais, avec 0 % à 3 % de croissance l’an, ce n’est plus la dynamique qu’on a connue. Nous sommes arrivés à un plateau et à une saturation du marché. Une centaine de marques en France sont positionnées sur cette catégorie, dont des marques de distributeurs. La période faste des Arrangé est derrière plutôt que devant nous. Néanmoins, le marché reste important, la gamme demeure une très belle réussite pour nous.

Benjamin Boulanger, directeur d’exploitation, au milieu des cuves de macération, étape de la fabrication des Arrangé Isautier. À droite, aperçu du chai de vieillissement où s’effectue l’élevage des rhums. Ci-dessous : la colonne de distillation et l’atelier d’embouteillage d’une capacité de 3 millions de bouteilles par an.

D’autres pays succombent-ils aux Arrangé Isautier ?

C.I. : Les marchés limitrophes de la France, Belgique, Luxembourg, Espagne, là où existe une communauté française qui se déplace. Nous sommes aussi depuis peu au Québec, où la communauté francophone est très importante, où vivent beaucoup de Métropolitains et de Réunionnais. Au-delà, il est utopique de croire qu’une PME comme la nôtre a les moyens d’une ambition internationale à l’image du succès de nos Arrangé en France métropolitaine. Le marché des spiritueux est un marché de grands groupes, qui demande énormément d’investissement en communication et en marketing. Nos Arrangé ont marché parce que ce sont des produits exceptionnels, mais aussi grâce à la diaspora réunionnaise et aux touristes métropolitains qui les ramenaient dans l’Hexagone, ce qui continue d’être le cas.

J.I. : En tant que marque, Isautier est présente dans 25 pays. Mais développer un marché reste, pour une PME comme la nôtre, un travail de fourmi demandant beaucoup de volonté et de patience. Chaque fois que nous participons à un salon à l’étranger, les consommateurs adorent nos produits. Mais, comme le dit Cyril, le road to market est extrêmement compliqué. Le problème n’est pas comment plaire aux consommateurs, mais comment accéder aux consommateurs. Or notre objectif est de faire des volumes permettant à l’entreprise de se développer et de faire vivre des centaines de personnes.

Rhums blancs, bruns, vieux, Arrangé, Douceur d’Arrangé, Arhumatik, Agent Double, fresque de La Réunion… Combien de références portent les couleurs d’Isautier aujourd’hui ?

C.I. : Nous avons 49 références différentes en production actuellement, appartenant à huit gammes. Notre huitième gamme vient juste de sortir : les Fizz Isautier, des cocktails légers prêts à boire, à base de rhum, fruits tropicaux et eau pétillante, en canettes de 25 cl. C’est une autre réinterprétation moderne d’un de nos savoir-faire ancestraux. Nous mettions La Réunion en bouteille, nous la mettons maintenant en canette ! La canette d’aluminium, 100 % recyclable, plus légère et plus écologique que le verre, inclut une dimension RSE. Une entreprise moderne se doit d’intégrer ce type de réponse aux besoins du marché.

J.I. : Avec les Fizz, nous poursuivons l’ambition d’import-substitution du grand-père Isautier en recréolisant l’apéritif. Nous montrons qu’il est possible de se faire plaisir avec un produit peu alcoolisé local. Avec cette boisson tendance, nous proposons une création réunionnaise aux standards internationaux d’hygiène et de sécurité alimentaire, grâce à une ligne de production de pointe qui place l’entreprise parmi les références modernes de la préparation de boissons. Isautier affirme ici son ambition : offrir l’excellence tropicale dans chaque gorgée.

Vous parliez du recul de la consommation de spiritueux. Elle est manifeste en particulier chez les jeunes. Cette évolution vous inquiète-t-elle sur le long terme ?

C.I. : Le marché des spiritueux s’est très bien comporté pendant les quinze dernières années. C’est depuis deux, trois ans qu’il est devenu beaucoup plus difficile. Est-ce que ce recul nous inquiète ? Pas vraiment. Cette tendance au recul est réelle, mais pas forcément négative. C’est la tendance de fond de ce qu’on appelle le no-low, moins ou pas d’alcool. Il s’agit d’un changement de génération. À nous de trouver, parmi nos savoir-faire, ceux qui permettent de répondre à cette tendance.

J.I. : Nous aimons cette phrase : « Quand il y a du vent, les pessimistes ferment les volets et les optimistes construisent des moulins. » Nous, nous construisons des moulins. Je veux dire par là que les gens consomment moins, mais mieux : on le voit aussi à La Réunion. C’est ce qui nous pousse à innover à nouveau avec un produit comme Fizz. Nous renouvelons ici notre savoir-faire des mélanges. Sans oublier que répondre à une tendance de marché relève du moyen terme : entre l’idée d’un produit et sa mise sur le marché, il peut s’écouler trois ou quatre ans, voire davantage.

Isautier est à l’origine d’une autre innovation de taille : la cofermentation et l’assemblage de rhums blanc agricole et de mélasse. Elle a donné naissance à la gamme des Agent Double. Cette innovation ne crée-t-elle pas, elle aussi, une nouvelle catégorie dans l’univers du rhum ? Est-elle copiée par d’autres marques comme les Arrangé ?

C. I. : D’autres effectivement commencent à faire la même chose. À La Réunion et en métropole. Une entreprise produisant du cognac, du gin et du rhum à la Barbade vient de sortir un rhum mélangé de mélasse et agricole. Mais il vaut mieux, à notre avis, être suivi que suiveur.

J.I. : Nous ne créons pas des catégories pour créer des catégories. Agent Double est partie d’une idée simple, mais techniquement complexe. Nous avons marié du rhum agricole et du rhum de mélasse pour créer un profil organoleptique inédit. Ce mariage a donné naissance à nos Agent Double 01 et 02. Nous avons ensuite poussé le curseur plus loin en réalisant une cofermentation entre de la mélasse et du jus de canne pour créer notre Agent Double Fusion. Ce sont des produits qui bousculent les codes sur le marché du rhum blanc. Reconnue en France et mondialement, cette innovation est née à La Réunion, et nous en sommes très fiers. Agent Double Fusion vient d’obtenir la plus haute distinction – le prix Diamant – des French Drinks Awards 2025, le concours des meilleurs spiritueux français. Nous sommes sur de petits volumes avec ce produit exceptionnel qui met en valeur le savoir-faire de Marie Ferrand et des équipes qui accompagnent le déploiement de la référence. C’est un succès d’estime. Agent Double contribue à construire la marque Isautier, à la faire connaître et reconnaître et à mettre en évidence la spécificité rhumière réunionnaise.

Une partie de la gamme des Arrangé à laquelle Isautier doit une grande partie de son développement actuel. En haut à droite : Arrangé Sauvage, le dernier né de la gamme. Dessous : Agent Double Fusion, un rhum blanc issu de la cofermentation de 50 % de mélasse et de 50 % de jus de canne, une première mondiale signée Isautier

Le 28 novembre 2023, l’inauguration de l’extension de l’usine productrice des Arrangé donnait l’occasion de présenter une nouvelle structuration du groupe entre les pôles Isautier Agriculture, Isautier Boissons et Isautier Patrimoine et Promotion. Vous annoncez à présent la construction d’un nouveau siège, le doublement de capacité de votre chai, la création d’un quatrième pôle, Isautier Tourisme, le tout porté par la volonté de devenir une entreprise de taille intermédiaire. Que s’est-il passé durant cette année qui vous stimule ainsi pour l’avenir ?

Lancés mi-octobre, les Fizz : des cocktails prêts à boire à base de rhum, en canette de 25 cl. La dernière innovation d’Isautier.

C. I. : Nous l’évoquions tout à l’heure : nous sommes une entreprise trop petite pour se permettre de stagner. Vous l’avez souligné à plusieurs reprises : dès que nous inventons quelque chose qui a du succès, nous sommes immédiatement copiés, en particulier par des groupes qui sont beaucoup plus forts que nous. Pour résister, nous avons besoin de prendre du muscle. C’est pourquoi nous cherchons à grandir. Est-ce que ce sera facile ? Certainement pas. Nous ne manquons pas d’idées et de projets pour grandir. Lesquels vont le mieux et le plus vite marcher ? Nous ne le savons pas, mais nous nous devons de lancer différentes pistes. C’est une nécessité. Nos succès économiques des années 2018-2023 sont issus des investissements réalisés vers 2010 : création de produits, investissement en machines, investissement en marketing.

J. I. : Une entreprise a le devoir de se développer, d’embaucher, d’investir.Ce qui nous anime et nous animera toujours, c’est La Réunion. Ce qui nous motive est résumé par les trois mots clés de notre groupe : ambition, diversité et responsabilité. Nous devons être ambitieux et nous diversifier de manière responsable, pour nos consommateurs et pour la planète. Nous sommes une entreprise familiale qui en est à sa septième génération, qui a un long passé et qui a failli mourir justement parce qu’à une époque elle s’était trop diversifiée. Ce passé nous permet de savoir ce qu’il est important de faire et ce qu’il faut éviter pour trouver des sources de croissance futures.

Ouvert en 2008, tout juste rénové, le musée La Saga du Rhum met en valeur l’histoire du rhum réunionnais et l’héritage entrepreneurial de la Maison Isautier. À droite : Antoine Isautier, directeur du pôle Isautier Patrimoine et Promotion. En dessous : le groupe exploite 500 hectares de terres agricoles, principalement en canne à sucre et en élevage de bovins.

Avez-vous prévu les étapes qui vous feront passer de 110 à 250 salariés, le seuil d’effectif d’une ETI ?

J. I. : Notre plan de développement couvre la période 2026-2030. Avec ce plan, nous nous projetons dans le futur. Maintenant, des contingences externes peuvent le faire évoluer, notamment si le gouvernement persiste dans son idée de faire porter l’essentiel de l’effort budgétaire par les entreprises.

C. I. : Depuis cinq ans, les crises s’enchaînent. Si nous attendons la fin d’une crise pour commencer à réfléchir à ce que nous pouvons faire, nous ne ferons jamais rien. C’est un challenge qui passe par une organisation à la fois souple et forte et par un état d’esprit volontaire. Les trois mots clés du groupe dont je parlais ont pour but de nous mettre dans cet état d’esprit, de nous convaincre que nous serons plus forts ensemble que seuls.

Isautier Agriculture se lance dans l’agrivoltaïsme. De quel projet s’agit-il ?

J. I. : Notre but est de préserver et valoriser au mieux notre patrimoine foncier agricole. En permettant des cultures différentes, de type fruitières ou autres. Mais nous voulons aussi contribuer à la production d’énergie à La Réunion grâce au photovoltaïque. Pour vous donner un exemple, nous sommes en train de développer avec TotalEnergies un projet de panneaux photovoltaïques verticaux. Ce sera une première à La Réunion. Entre ces panneaux verticaux, nous cultiverons du foin, herbe ayant besoin de soleil. Nous avons d’autres projets. Nous disposons de 500 hectares de terre, dont 320 hectares en canne à sucre. Allier tradition agricole et transition énergétique, sachant que les productions ne seront pas du tout à la même échelle. Si nous faisons 20 hectares de photovoltaïque, ce sera bien.

Le 28 novembre 2023, vous aviez aussi évoqué la création de la distillerie de Bérive et d’une marque de rhums agricoles produits à partir de cannes propriétaires. Où en est ce projet ?

C. I. : Cette distillerie a commencé ses distillations au mois de juillet. Des débuts très prometteurs. Nous adorons les jus qui en sortent, mais nous ne sommes pas encore au bout de nos expérimentations organoleptiques. Marie Ferrand travaille avec l’équipe d’exploitation de la distillerie pour obtenir pour commencer le meilleur rhum blanc possible. J’ai bon espoir qu’avant la fin de la campagne sucrière, donc avant la fin décembre, nous aurons identifié le jus parfait. Si tout va bien, nous pourrons présenter nos premières bouteilles de rhum blanc en fin d’année prochaine. Cependant la grande majorité de ce qui sera produit sera mis en vieillissementpour cinq à dix ans, sachant que le rhum blanc devra d’abord reposer en cuve un an avant d’être mis en fût. La distillerie de Bérive est l’exemple d’un projet de temps long. Nous espérons pouvoir ouvrir les visites de la distillerie dans le futur, avec notre projet hôtelier. Nous avons le précédent du succès du musée La Saga du Rhum, qui devrait accueillir 75 000 visiteurs cette année. Il en a reçu 72 000 en 2024. Le musée vient de faire peau neuve, il se porte très très bien.

Résidences étudiantes, futur parc d’activités de Pierrefonds, ensemble Kerval à l’aéroport Roland-Garros… Avec Isautier Patrimoine et Promotion, quelles sont vos ambitions dans l’immobilier ?

Isautier Patrimoine et Promotion se spécialise dans la construction de logements pour étudiants : ici, la résidence Campuseo, à Terre-Sainte.

J. I. : Le pôle Patrimoine et Promotion s’est d’abord contenté de gérer le patrimoine familial. Nous faisions de la dation en paiement. C’est-à-dire que nous vendions un terrain, un partenaire construisait le bâtiment et nous récupérions, au lieu d’argent, le rez-de–chaussée économique, que nous mettions en location. Nous avons ainsi commencé à constituer une foncière économique. Notre premier gros projet immobilier date de 2008 : une copromotion avec le groupe des Bâtisseurs de Bourbon. Nous avons découvert le métier de promoteur. Nous avons ensuite fait rentrer des investisseurs extérieurs, tout en gardant le contrôle, pour pouvoir opérer sur des surfaces plus importantes. En 2019, notre cousin Antoine Isautier a pris la direction du pôle Patrimoine et Promotion avec, pour mission, de continuer à développer le rez-de-chaussée commercial et de nous positionner dans l’immobilier d’entreprise et le logement étudiant. Nous voulons investir dans des équipements structurants, tels que les pépinières d’entreprises. Nous participons à la création du parc d’activités économiques de Pierrefonds. Nous louons à ce jour 220 logements étudiants. Avec les projets en cours, notre parc devrait atteindre assez rapidement 560 logements. Deux nouvelles résidences seront livrées d’ici 2027.

Comment voyez-vous votre 181e année, à savoir 2026 ?

C. I. : Le groupe Isautier est comme une start-up de 180 ans, dont l’histoire s’écrit en décennies, mais où chaque jour est un nouveau départ. En 2026, nous continuerons à agir et à préparer l’avenir parce que c’est notre état d’esprit permanent.

Un rhum d’exception pour un anniversaire d’exception

Pour ses 180 ans, Isautier dévoile 422 bouteilles d’un rhum agricole vieilli dix-huit ans en fût unique de chêne français, rendant hommage à La Réunion lontan, où puisent ses racines.

« Pour honorer cent quatre-vingts ans d’histoire, j’ai sélectionné un des plus vieux rhums de notre chai. Ces dix-huit années en fût ont permis à ce rhum agricole de développer des notes de chocolat, de cuir et de bois ciré, que seul le temps peut créer. Mettre ce fût en bouteilles aujourd’hui, c’est transmettre la tradition, la richesse et la sagesse de la Maison Isautier à travers ce rhum d’exception », déclare Marie Ferrand, maître de chai. Ce single
cask reflète la maîtrise technique de la Maison Isautier : une distillation continue en colonne parfaitement conduite, une matière première d’une qualité irréprochable et un suivi méticuleux pendant près de deux décennies. Embouteillée à 65,4°, sans réduction ni filtration à froid, cette cuvée est d’une intensité rare et est très équilibrée.

Un rhum cousu main
Cette cuvée anniversaire se veut aussi un hommage à une tradition réunionnaise discrète : le tapis mendiant, morceaux de tissus disparates cousus un à un, art populaire né de la nécessité, élevé au rang de symbole de la Réunion d’autrefois. En s’inspirant de ce patrimoine pour habiller son rhum de 18 ans d’âge, la Maison Isautier trace un parallèle sensible avec son propre art de l’assemblage. Pour la Maison Isautier, « cette cuvée anniversaire incarne la mémoire d’une culture, la richesse d’un territoire et la force d’un savoir-faire profondément enraciné dans l’âme réunionnaise. Une œuvre patiemment tissée de temps, de mémoire et de passion. »

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