En 2000, La Réunion produisait 95 millions d’œufs par an. Elle en produit aujourd’hui 150 millions. La coopérative Ovocoop, qui fêtera ses 25 ans cette année, en a traité 19 millions en 2024.Elle travaille pour le marché professionnel des collectivités, industries agroalimentaires, CHR et boulangeries-pâtisseries. Un marché pro qu’Ovocoop a su comprendre et anticiper pour en devenir le leader. Souvenirs et explications croisés de Pascal Quineau, premier président d’Ovocoop, de sa création à 2023, et d’Olivier Techer, nouveau président depuis deux ans.
Leader Réunion : Coopérative de transformation des œufs et de commercialisation d’ovoproduits : est-ce toujours la bonne définition d’Ovocoop ?
Pascal Quineau : C’est toujours la bonne définition. Mais entrons dans le détail des produit. Depuis ses débuts, Ovocoop produits des œufs liquides pasteurisés – entiers, jaunes, blancs –dans des conditionnements allant de 1 kg à 20 kg. L’autre grande famille de produits est celle des œufs durs écalés, vendus en seaux de 30, 75 et 150 unités et destinés principalement à la restauration collective.
Olivier Techer : Depuis vingt-cinq ans, Ovocoop n’a pas changé sa vocation. La coopérative est toujours là au service des éleveurs qui la composent – nous sommes cinq aujourd’hui – pour transformer leurs œufs. Au service aussi de nos clients pour leur proposer la gamme la plus complète possible.
La coopérative naît en 1996 et démarre sa production en 2000. Quel était l’objectif au départ, et cet objectif a-t-il été atteint ?

P. Q. : Nous avons commencé de commercialiser nos œufs, après une période d’essais, en janvier 2000. Le premier objectif était de contrer les importations par une offre locale répondant aux exigences des clients professionnels en termes de volume, de qualité et de sécurité alimentaire. À l’époque, La Réunion importait 150 tonnes d’ovoproduits par an. Je pense que ce chiffre n’a pas beaucoup bougé. Nous avons maintenu les importations à peu près au même niveau sur un marché qui, lui, s’est développé avec le nombre d’habitants et la multiplication des usages de l’œuf. Là se situe la vraie réussite d’Ovocoop. Pour mieux comprendre, il faut se reporter aux années 1990, quand les normes de sécurité alimentaire devenaient de plus en plus contraignantes. C’était pour respecter leurs cahiers des charges que les collectivités se fournissaient en produits importés. Ovocoop a apporté une réponse locale en livrant des œufs pasteurisés.
O. T. : Rappelons qu’en termes de production, l’objectif initial de la coopérative était de parvenir à transformer 20 millions d’œufs. L’année dernière, nous avons atteint 19 millions, et nous pensons progresser encore dans les années à venir. Nous avons presque atteint notre objectif.
Que représente Ovocoop sur le marché des ovoproduits ?
P. Q. : Sachant qu’on produit à peu près 150 millions d’œufs à La Réunion, 20 millions d’œufs représentent 13 % du marché. Ovocoop est leader des ovoproduits destinés à la clientèle professionnelle, mais ce marché ne représente que 17 % du marché de l’œuf. En métropole, il en représente plutôt entre 37 et 38 %. Pourquoi ce différentiel ? Principalement parce que l’industrie agroalimentaire réunionnaise est moins développée comparée à la
métropole, où les usines de pâtes, de biscuits, de mayonnaise, pour ne citer qu’elles, sont de grosses consommatrices d’œufs.
O. T. : Les anciens ont eu cette intelligence de se regrouper pour trouver une solution pour la transformation des œufs. Il faut leur tirer notre de chapeau d’avoir su s’organiser, même s’ils restaient concurrents sur le marché des œufs coquilles pour le grand public. Ils ont su trouver des solutions pour les produits transformés.
Pourquoi avoir choisi le débouché des collectivités et des professionnels ?
P. Q. : Tout d’abord, il y a le contexte porteur de l’œuf. Sa consommation ne cesse de croître. L’œuf est consommé par tout le monde. En salé, en sucré. Dans toutes les cuisines du monde, vous trouvez de l’œuf. Il n’est l’objet d’aucun interdit religieux ou autre. Et c’est la protéine la moins chère. Le débouché des collectivités, de l’industrie, du CHR, de la boulangerie-pâtisserie s’explique par le besoin de faire du volume, pour nos clients comme pour nous. Les cantines des communes telles que Saint-Denis, Saint-Pierre, Saint-Paul peuvent utiliser 20 à 25 000 œufs par jour ! Il faut imaginer les cantinières qui auparavant écalaient à la main 25 000 œufs chaque jour ! Chez nous, l’écalage est automatisé. Ovocoop répond aux besoins de la clientèle professionnelle avec des produits frais prêts à l’emploi, provenant d’une production locale qui garantit un approvisionnement régulier, ce qui n’est pas toujours le cas des importations dès qu’un bateau prend du retard.
O. T. : Ovocoop est autonome en livraison. Nous réalisons aujourd’hui la moitié de notre chiffre d’affaires avec les cantines scolaires. Trois communes sont dans le top 10 de nos clients !
Les 25 dernières années ont été celles de la transformation économique et sociale de La Réunion. Quels défis la coopérative a-t-elle dû surmonter pour accompagner ce développement ?
P. Q. : Je parlais des cantinières qui écalaient les œufs : au début, nous prenions leur activité. Se fournir auprès de nous imposait aux collectivités de replacer ce personnel ailleurs. D’autre part, par rapport à l’œuf coquille, nos produits apparaissaient comme transformés, obligeant les cantines à adapter leurs recettes. Les débuts n’ont pas été faciles, car nous étions précurseurs, en avance même sur le marché. Mais les années 2 000 ouvraient une nouvelle époque, une nouvelle ère. Tout changeait rapidement. Ovocoop a su s’adapter au marché, qui a évolué dans la direction que nous avions envisagée.
Consomme-t-on les œufs comme on le faisait il y a vingt-cinq ans ou les comportements de consommation ont-ils évolué ?
P. Q. : Les jeunes apprécient l’œuf parce que c’est un produit facile et rapide à cuisiner. On consomme aujourd’hui beaucoup plus de salades, plus d’omelettes, donc plus d’œufs. Dans les années 1995-2000, on ne trouvait pas de boulangerie dans les Hauts ! À présent, vous avez des boulangeries dans les écarts, des pâtisseries partout.
O. T. : Je vois chez moi. Je suis producteur d’œufs, je mange des œufs au moins deux à trois fois par semaine : au plat, durs, en omelette. Ce n’était pas le cas de mes parents. Cette génération recherchait une cuisine plus élaborée, avec les caris, les rougails, etc. Après, l’œuf qu’on ne voit pas : je pense notamment aux pâtes, consommées de plus en plus aujourd’hui. Et les Réunionnais voyagent. Ils découvrent de nouveaux moments pour consommer l’œuf, comme au petit déjeuner dans les hôtels à l’étranger. Tout cela contribue à faire évoluer les comportements de consommation.
Il y a quelques années, Ovocoop évoquait la possibilité de proposer des produits plus élaborés, comme des omelettes. Cette piste de développement de nouveaux produits est-elle d’actualité ?
P. Q. : Oui, nous avons pensé aux omelettes, mais le marché local est quand même très étroit. Et le produit avait ses contraintes : les omelettes auraient été vendues congelées. En plus, nous avons des clients qui font ce type de produits et nous serions entrés en concurrence avec eux, ce qui aurait été se marcher sur les pieds. Toutefois, nous n’avons pas fermé la porte à de nouveaux produits. Tout dépendra des attentes des nouvelles générations. Si la demande est là, nous le ferons de toute façon.
Label Assure de l’ADIR pour les économies d’énergie, semaine de quatre jours, réduction de l’impact environnemental de la production : la coopérative recherche-t-elle l’exemplarité dans la RSE ?
P. Q. : Il faut rendre hommage à nos directeurs d’exploitation, Patrick Le Lyonnais et son prédécesseur Patrick Doressamy. Ils ont convaincu notre conseil d’administration d’aller dans cette voie. La semaine de quatre jours a permis, à son tour, d’économiser de l’énergie. C’est positif pour les salariés et pour l’entreprise. J’y ajoute le trophée TMS Pros que nous a décerné l’Assurance maladie pour notre système mécanisé de manipulation des œufs à la cuisson. Il évite aux opérateurs le risque de troubles musculosquelettiques.
O. T. : La semaine de quatre jours n’est pas transposable dans nos élevages. Nous avons donc adapté notre organisation pour maintenir la continuité de la production et des livraisons à nos clients.
Comment s’annonce l’avenir pour Ovocoop ?
O. T. : Nous allons continuer l’œuvre des anciens. Ce ne sera pas la même progression, car le marché des ovoproduits est devenu assez mûr. Mais nous essaierons de trouver de nouveaux marchés, de nouveaux clients, dans les années futures. Et, pourquoi pas, grâce à de nouveaux produits.












