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samedi 20 avril 2024

BRASSERIES DE BOURBON prépare les soixante prochaines années

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« Si je comprends bien, Brasseries de Bourbon prépare les soixante prochaines années… » : Éricka Bareigts, maire de Saint-Denis, résumait, par cette remarque, les interventions d’Edwin Botterman, directeur général de Brasseries de Bourbon, et de Pascal Sabrié, directeur Afrique-Océan indien du groupe Heineken, à l’occasion des 60 ans de l’entreprise, le mois dernier. De retour à la tête de Brasseries de Bourbon depuis 2019, M. Botterman l’avait déjà dirigée, il y a 20 ans. En faisant coïncider l’inauguration de la nouvelle salle à brasser avec cet anniversaire, il invitait à regarder l’évolution de l’entreprise qui s’annonce plutôt que le chemin qu’elle a parcouru depuis sa naissance en 1962. Sa capacité d’innovation croissante, le renouvellement progressif de son outil industriel, la diversification de ses produits, son objectif de parvenir à la neutralité carbone en production en 2030. Autant de points que le directeur général de Brasseries de Bourbon reprend et explicite dans l’entretien qu’il nous a accordé, montrant comment ce fleuron de l’industrie locale reste fidèle à ses racines en préparant son avenir.

La nouvelle salle à brasser automatise les processus de production

« Nous sommes optimistes quant au potentiel du marché réunionnais », avez-vous déclaré à l’occasion des 60 ans des Brasseries de Bourbon. Sur quoi repose cette conviction sur un marché somme toute limité ?
Comme pour tous les produits de grande consommation, nos produits sont sensibles aux tendances démographiques. À La Réunion, celles-ci sont toujours positives : la population continue d’augmenter, et la part des jeunes demeure importante, ce qui signifie plus de consommateurs à l’avenir. Nous constatons également une augmentation de nos marchés en valeur. C’est la preuve que le consommateur réunionnais est prêt à payer le juste prix pour un produit de qualité et pour les marques qui en sont les garantes. Nous faisons partie de ces marques. Le consommateur réunionnais nous connaît bien, depuis maintenant longtemps, et il nous accorde sa confiance.

Votre secteur d’activité est-il impacté par l’inflation générale des coûts de production, et comment réagissez-vous à cette situation ?
Nous assistons à une hausse des coûts sans précédent. Il faut retourner dans les années 1980 pour constater ce type de hausse. Nous n’avons pas été en mesure de répercuter l’ensemble de ces hausses sur nos prix de vente, car cela entraînerait des augmentations de prix trop importantes, avec un impact évident sur la consommation. À court terme, nous absorbons donc une partie de ces hausses dans nos coûts, ce qui affecte durement notre profitabilité. La situation actuelle ne peut que nous conforter dans nos efforts pour maîtriser nos coûts de production et améliorer notre productivité. Elle nous incite à continuer de travailler dans ce sens.

Quelle est votre opinion sur l’état actuel, d’une part du marché de la bière, d’autre part du marché des boissons rafraîchissantes ?
La comparaison avec les deux années précédentes, 2020 et 2021, est difficile tant les effets secondaires du Covid-19 ont impacté les résultats. Il est donc difficile à ce stade d’identifier des tendances de fond. Ce que je peux dire, c’est que, sur la bière, nous constatons une hausse modérée en valeur pour un volume de vente stable, hausse essentiellement tirée par la premiumisation du marché. Le marché de la bière possède une dynamique portée par un double mouvement de premiumisation et de diversification, avec des marques de bière de plus en plus nombreuses sur le marché réunionnais. Sur les boissons rafraîchissantes, le marché continue également à croître.

Vous avez souligné qu’en dix ans, Brasseries de Bourbon a sorti davantage de bières sans alcool que de bières avec alcool. Le « sans alcool » est-il l’avenir du marché de la bière ?
Dire aujourd’hui quelle sera la place du « sans alcool » dans l’avenir me paraît impossible. Ce segment reste aujourd’hui très petit : moins de 8 % du marché de la bière. Ce qui est sûr, et nous le constatons, c’est que de plus en plus de personnes sont conscientes de la nécessité d’une consommation modérée de l’alcool, voire nulle dans certaines situations, comme pendant la grossesse par exemple. En tant qu’entreprise, nous considérons de notre devoir de répondre à cette demande en augmentant notre offre dans le segment « sans alcool ». Nous sommes engagés à promouvoir une consommation responsable, et nous le faisons très concrètement et directement auprès de nos clients : notre objectif est de pouvoir proposer des bières sans alcool partout où l’on propose leurs versions alcoolisées. Le développement des bières sans alcool dans notre offre vient de là. Il est à la fois une preuve de la diversification en cours de Brasseries de Bourbon et une preuve de notre engagement en matière de consommation responsable. Pour les amateurs de bière, c’est une opportunité : ils peuvent s’en délecter sans contrainte.

Une dizaine de millions d’euros ont été investis en deux ans, dont une partie pour construire et équiper la nouvelle salle à brasser. Brasseries de Bourbon annonce maintenant un programme d’investissements de 38 millions d’euros sur les trois prochaines années. Sur quoi vont porter ces nouveaux investissements ?

Brasseries de Bourbon compte quatre lignes
de production : bouteilles en verre, PET, fûts et bibs

La nouvelle salle à brasser que nous avons inaugurée pour nos 60 ans représente un investissement d’un montant de 6,5 millions d’euros. Il a été financé par le groupe Heineken, notre actionnaire principal, et avec l’aide de la Région Réunion via le Fonds européen de développement régional. Ce nouvel outil offre plus d’ergonomie. Il réduit le travail manuel des opérateurs tout en renforçant leur sécurité sur le site de production. Grâce à l’informatisation et l’automatisation, les processus de production sont mieux maîtrisés pour assurer une qualité constante des produits. D’autre part, le stockage de nos matières premières, le malt et le riz, se fait désormais en silo pour leur meilleure conservation. Un nouveau filtre améliore la performance des opérations de brassage de bières. Les investissements suivants doivent permettre de poursuivre la modernisation de notre outil de production et la digitalisation de nos process. Ils doivent aussi soutenir nos ambitions en matière de développement durable et nous permettre d’atteindre nos objectifs de réduction de notre empreinte carbone à l’horizon 2030 : nous visons le zéro carbone en production.

Comment comptez-vous y parvenir ?
Il faut activer plusieurs leviers à la fois. Le levier de l’efficacité énergétique — produire avec moins — passe par l’optimisation des procédés, la chasse aux pertes, des investissements. Le levier du mix énergétique imposera, à terme, que toutes les énergies utilisées, électriques et thermiques, soient d’origine renouvelable, soit parce que l’électricité du réseau réunionnais le sera, soit parce que nous aurons investi dans des installations pour subvenir à nos propres besoins. La feuille de route de cette ambition est en cours d’élaboration.

Le calcul pour atteindre la neutralité carbone intégrera-t-il le transport par bateau des matières premières ?
Comme je vous l’indiquais précédemment, nous nous focalisons dans un premier temps sur les émissions de gaz à effet de serre de notre production, les scopes 1 et 2, dans le jargon de l’empreinte carbone. Le groupe Heineken a pris des engagements à plus long terme sur le scope 3, les transports, la production des matières premières et des emballages, etc. Le groupe travaille ardemment avec les fournisseurs pour avancer dans cette direction. Sur ces sujets, la coopération et la coordination des efforts entre fournisseurs et producteurs sont déterminantes pour progresser.

Grâce à Heineken, depuis 1986, Brasseries de Bourbon a été l’une des premières entreprises locales à viser un standard de qualité internationale. Le niveau de qualité atteint aujourd’hui vous satisfait-il, et l’entreprise peut-elle aller encore plus loin ?
La recherche de qualité est un effort de tous les instants. On ne peut jamais être pleinement satisfait en la matière. Elle requiert une attention permanente et un esprit d’amélioration continue. Nous sommes tous mobilisés, aux Brasseries de Bourbon, pour cet objectif. La nouvelle salle à brasser en est un exemple. La qualité reste un élément clé du succès pour tout business.

Quels produits jusque-là importés pourraient sortir de votre usine à l’avenir ?
Pour produire localement, il faut, d’une part, bien entendu, être en capacité de le faire, mais, d’autre part, il faut que l’équation économique soit favorable. Nous évaluons régulièrement notre portefeuille en fonction de ces deux axes. Pour Tezi Tea par exemple, produit conçu à La Réunion, nous avons jugé qu’il valait mieux commencer par une production à l’extérieur de La Réunion, le temps d’installer la marque dans le paysage réunionnais et de valider la pertinence du plan d’investissement. Une fois cette étape franchie, nous avons rapatrié la production de Tezi Tea à La Réunion.

En dehors de la bière et des sodas, Brasseries de Bourbon commercialise des marques d’importance sur des marchés dynamiques, comme l’eau avec San Pellegrino ou le champagne avec Laurent Perrier. Cette activité est-elle amenée à se développer ?


Pour rappel, nous distribuons les marques Australine, Cilaos, Réa et Diego et nous importons les marques San Pellegrino, Minute Maid, Monster et Laurent Perrier. Ce sont des marques qui complètent utilement notre portefeuille. Nous servons plus de 1 300 clients en direct sur l’île. Étant producteur de bières et de boissons rafraîchissantes, nous ajoutons régulièrement des produits à notre portefeuille pour augmenter le service à ces clients que nous servons déjà, leur satisfaction étant notre boussole. Tout produit importé subit nécessairement une forte concurrence. Le développement de ce portefeuille dépend donc, in fine, de la demande des consommateurs sur ces produits.

Mais je restitue ces importations dans l’ensemble de notre activité en rappelant que Brasseries de Bourbon produit, importe et distribue, au total, 22 marques et plus de 200 références, parmi lesquelles vous trouvez Bourbon, Heineken, mais aussi Affligem, Dynamalt, Coca-Cola, Sprite, Orangina, Schweppes, Tezi Tea… Plus de 80 % des produits distribués par l’entreprise sont fabriqués localement et labellisés Nou la fé.

En développant la production locale, jouez-vous la carte Nou la fé pour mieux souligner que les bières de spécialité et aromatisées de la concurrence sont, elles, pour la plupart importées ?

Si nous sommes adhérents et défenseurs de la marque collective Nou la fé, c’est parce que nous estimons qu’il est important que le consommateur réunionnais sache quel produit est fabriqué à La Réunion. Au-delà de la fierté que peut générer un produit de qualité fabriqué localement, c’est surtout pour nous la marque d’un engagement fort pour le territoire, l’engagement de créer des emplois et de la valeur localement. Dans cette même logique de participer au développement du territoire, Brasseries de Bourbon privilégie autant que possible les achats locaux. En 2021, 44 % des achats de l’entreprise se sont faits auprès d’entreprises locales entre sucre, carton, film plastique, services de communication, conseil, etc. Ce sont près de 30 millions d’euros de biens et services que nous avons achetés à des entreprises réunionnaises.

Un autre de vos propos tenus lors des 60 ans : « Nous avons de nombreuses innovations dans nos cartons pour surprendre les Réunionnais dans les prochains mois ». Pouvez-vous dévoiler quelques-unes de ces « surprises » ?
Pour célébrer les 60 ans de la marque Dodo, nous avons demandé à nos brasseurs de nous proposer des bières en éditions limitées, mises sur le marché progressivement au cours du deuxième semestre. Sur les cinq éditions limitées Dodo, quatre ont déjà été mises en rayon : Dodo Métissé, une bière aromatisée au letchi,  Dodo Citron 0.0, une bière sans alcool ; Dodo Unik, une bière brune au malt caramélisé, et Dodo Otentik, une bière non filtrée. Je garde la surprise pour la cinquième édition et pour les innovations de 2023… sinon, ce ne seront plus des surprises ! Mais vous pouvez compter sur nous. Nous n’allons pas nous arrêter là. D’autres nouveautés suivront.

Plus de 40 millions de bouteilles en verre sont réutilisées chaque année

La campagne institutionnelle de Brasseries de Bourbon à l’occasion de ses 60 ans met en valeur les femmes et les hommes de l’entreprise. On voit qu’un changement de génération est en train de s’opérer au sein de vos équipes. Trouvez-vous localement toutes les compétences dont vous avez besoin ?
Brasseries de Bourbon, ce sont 230 emplois directs et près de 2 000 emplois indirects. Malgré la réduction d’activité en 2020 et 2021, tous les postes ont été conservés. Il est vrai qu’un certain nombre de salariés ayant fait toute leur carrière aux Brasseries de Bourbon font valoir leur droit à la retraite. Dans l’ensemble nous trouvons les compétences localement, et nous sommes engagés dans la formation et le développement des compétences localement, même si certains métiers sont en tension. Preuves de cet engagement, nous accueillons régulièrement des jeunes réunionnais en formation, en stage ou en alternance. Nous sommes également membre cofondateur du club Innovons pour l’emploi, un partenariat entre entreprises, Deets* et Pôle Emploi Réunion. C’est un laboratoire d’idées, un lieu d’innovation sociale, un espace de valorisation des retours d’expériences en prise sur les réalités des besoins du monde économique au service de la compétitivité et de l’emploi du territoire de La Réunion. Ce partenariat entre entreprises, Deets et Pôle Emploi Réunion fonde une démarche d’expérimentation inédite visant à définir plus largement un modèle d’engagements réciproques entre la sphère économique et la sphère publique pour relever le défi de la lutte contre le chômage. Je précise d’ailleurs que nos offres d’emploi sont systématiquement diffusées auprès de Pôle Emploi, sur notre site internet, sur LinkedIn et d’autres réseaux sociaux. Elles sont ouvertes à toutes et tous. Par ailleurs, nous accompagnons le développement des compétences pour les salariés en poste chez nous en investissant dans la formation.

Vous encouragez la mobilité interne ? 

Brasseries de Bourbon génère 230 emplois
directs et près de 2 000 emplois indirects

Absolument. Nous avons déjà accompagné des salariés dans leur reprise d’études. Je peux citer l’exemple d’une personne qui souhaitait reprendre ses études en logistique. Nous l’avons aidée à trouver une alternance chez France Boissons en métropole, et la personne est revenue chez nous pour occuper un poste de responsable d’un service. L’appartenance à un groupe international tel qu’Heineken est également une formidable opportunité en termes de formation et de développement des expertises. Heineken dispose de programmes et de supports de formation à nos métiers. Des salariés des Brasseries de Bourbon sont amenés à participer à des missions courtes, de quelques mois en général, dans d’autres filiales du groupe. Ils acquièrent de l’expertise et s’enrichissent considérablement en voyant comment les choses se passent ailleurs, ce qui nous est très utile lorsque ces salariés réintègrent leur poste. Actuellement, une salariée des Brasseries de Bourbon effectue une mission de cinq mois pour une filiale en Afrique, tandis que nous accueillons une collaboratrice d’Heineken France pour une mission de douze mois. Par ailleurs, nous avons mis en place un programme de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Le but est d’identifier les besoins en compétences à horizon de trois ans et de former les collaborateurs concernés. Cela crée également des opportunités d’emploi. Entre janvier 2021 et octobre 2022, plus de la moitié des postes ouverts ont été pourvus en mobilité interne. Sur les postes restants, les deux tiers ont été confiés à des personnes présentes à La Réunion.

*Deets : direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités

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