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vendredi 5 décembre 2025

RESTAURATION LOCALE | Les 30 ans qui ont tout changé

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Le journalisme gastronomique occupe une place à part dans la presse. S’il est critique par essence, il conserve une positivité devenue rare de nos jours : il contribue en effet à faire connaître et à valoriser des métiers, des produits, des savoir-faire, et toutes celles et ceux qui s’activent en cuisine et en salle pour nous faire vivre des moments de découverte, de détente et de plaisir dans les restaurants. C’est un journalisme constructif. De plus, c’est le seul journalisme dont chacun peut vérifier l’information : il suffit de se rendre au restaurant indiqué ! C’est pourquoi le journalisme gastronomique réclame un talent particulier pour captiver l’attention et faire sentir plats, lieux et personnages. Ce talent, Thierry Kasprowicz, concepteur des magazines Mets Plaisirs, puis Le bon ZEST, écrivain et éditeur du Guide Kaspro, créateur avec l’agence Maestro du salon du vin et de la gastronomie Vinocité, le possède. Nous lui avons demandé d’être notre invité parce que le Guide Kaspro, dont l’édition 2026 sortira en décembre, fêtera alors ses 10 ans, et que ce début d’octobre voit la sixième édition du salon Vinocité. Ces deux événements d’importance pour le secteur des vins et spiritueux et de la restauration font désormais partie de la vie commerciale réunionnaise. Ils sont attendus par de nombreuses personnes. Mais Thierry Kasprowicz est aussi un fin observateur de ces secteurs d’activité. De la restauration réunionnaise tout particulièrement, dont il a suivi la transformation depuis trente ans et dont il connaît les difficultés actuelles. Autant d’aspects que nous abordons sous différents angles. Et nous sommes allés voir l’agence Maestro, maître d’œuvre de Vinocité, qui s’apprête à décliner son professionnalisme et sa créativité dans de nouveaux projets.

Avec 9 000 visiteurs en 2024, Vinocité a quasi doublé sa fréquentation d’une année sur l’autre en déménageant dans l’Ouest, au jardin d’Éden.
Thierry Kasprowicz a ouvert son carnet d’adresses pour inviter des personnalités du monde français du vin et de la gastronomie :
ici, en 2023, en compagnie de Philippe Faure-Brac, vainqueur du Concours du meilleur sommelier du monde en 1992.

Leader Réunion : Comment devient-on un précurseur du journalisme gastronomique à La Réunion ?

Thierry Kasprowicz : Je suis arrivé à La Réunion en 1997. Je n’ai pas à la base une formation de journaliste. J’ai fait des études de géographie et de tourisme. Mais j’aime écrire et j’ai une passion pour l’univers du vin. Je suis devenu journaliste gastronomique un peu sur le tard. Mes premiers écrits en presse ont porté sur le vin. J’ai travaillé, et il m’arrive encore de le faire, pour des revues nationales, comme La Revue du vin de France, Terre de Vins.
Je suis correcteur du magazine Bourgogne Aujourd’hui. J’écris aussi pour des sites Internet spécialisés dans le vin. J’ai appris le journalisme sur le terrain, en visitant beaucoup de domaines, en interrogeant des vignerons, en les regardant travailler. Les mondes du vin et de la gastronomie étant concomitants, mon domaine d’intérêt s’est élargi, et j’ai le plaisir de pouvoir me consacrer à cet art de vivre que composent le vin et la gastronomie.

Tout cela a abouti à la création de Mets Plaisirs, le premier magazine gastronomique réunionnais. Qu’est-ce qui vous a convaincu de vous lancer dans cette aventure ?

Mets Plaisirs sort en 2010, c’est le premier magazine gastronomique de La Réunion et de l’océan Indien. Il faut le préciser, car ce magazine appartenait au groupe mauricien La Sentinelle. Ce groupe souhaitait développer son activité presse à La Réunion. La gastronomie était un domaine non couvert localement et dans l’air du temps. Mes compétences et mon expertise au niveau du vin et de la gastronomie commençaient à être connues. On m’a demandé de concevoir et de m’occuper de ce titre, j’en suis devenu le directeur de la rédaction et le rédacteur en chef. Mets Plaisirs était un bimestriel : 80 % du magazine était consacré à La Réunion, 20 % à Maurice. Nous étions une toute petite équipe. Je faisais beaucoup de terrain, ce qui m’a permis de rencontrer beaucoup de chefs, d’artisans agroalimentaires, d’artisans des métiers de bouche, de producteurs agricoles, ces hommes et ces femmes exerçant les métiers liés au monde de la table. Mets Plaisirs a contribué à les mettre en lumière, à montrer la restauration d’une autre manière, à faire reconnaître la valeur de métiers qu’on connaissait mal ou pas. C’était l’époque des débuts des émissions culinaires à la télévision, Top Chef, Masterchef… Nous sommes entrés en résonance avec ces émissions avec notre information locale. C’était un très joli magazine. J’ai pris beaucoup de plaisir à le faire, malgré nos peu de moyens.

Un magazine gastronomique : comment a réagi le milieu de la restauration réunionnaise de l’époque devant cette nouveauté ?

Tout le monde était très touché, honoré, qu’on s’intéresse à eux, qu’on se déplace pour les voir, qu’on fasse connaître leur travail. C’était des artisans de l’ombre. Tous acceptaient de s’exprimer. Nous allions les chercher pour les mettre à la lumière sur des pages de papier glacé. Certains chefs de cuisine n’avaient pas la reconnaissance de leur patron : que l’on parle d’eux, c’était important. Être présent dans un magazine, c’est toujours ressenti comme une fierté, une forme de reconnaissance.

Vinocité (ici en 2023, à la Cité des arts de Saint-Denis) montre la place déterminante qu’occupent aujourd’hui l’entrepreneuriat féminin et la clientèle féminine sur le marché des vins et spiritueux.

Plus tard naît un second magazine, Le bon ZEST, où à vos côtés se trouve l’équipe de l’agence d’événementiel Maestro. Entre ZEST, qui existe toujours, et Mets Plaisirs, quelle différence ?

J’ai stoppé Mets Plaisirs en 2018 pour me consacrer au Guide Kaspro et au salon Vinocité. Je suis revenu au journalisme avec ZEST, après la Covid. L’idée était évidemment de poursuivre cette valorisation des professionnels, mais en creusant davantage l’aspect humain plutôt que le produit, dans un produit de presse situé entre le magazine et le livre. Montrer le travail, les savoir-faire. Le « bon zest », en créole, c’est la bonne façon de faire. Nous faisions quatre numéros par an, avec des belles illustrations. Stéphane Tariffe, le photographe de l’équipe, a repris le magazine avec son épouse, quand Maestro et moi l’avons quitté pour développer nos autres activités.

Le Guide Kaspro, un guide gastronomique réunionnais : encore quelque chose d’inédit sur l’île.

La Réunion manque de reconnaissance dans les guides nationaux, que ce soit dans le Guide Michelin ou dans d’autres. Il y avait un vide à combler. Ce constat m’est venu en travaillant pour Mets Plaisirs, où je faisais de la critique gastronomique. Encore aujourd’hui, il n’y a aucune présence réunionnaise dans ces guides. Je sentais qu’il y avait aussi, comme je le disais, un manque de reconnaissance des chefs locaux par rapport à leur travail. Les réputations de certains restaurants dataient de vingt ou trente ans, elles ne correspondaient plus du tout à ce qu’ils étaient devenus. Je me suis lancé dans ce chantier, mettre tout le château à bas et rebattre les cartes pour pouvoir tout reconstruire sous la forme d’un guide gastronomique moderne. Je voulais créer quelque chose de A à Z et l’inscrire dans le temps. Le Guide Kaspro fêtera cette année ses 10 ans avec son édition 2026, à paraître début décembre comme tous les ans.

N’êtes-vous pas tenté d’étendre le champ du Guide Kaspro aux autres îles de la région : Maurice, Mayotte, Madagascar, Seychelles ?

J’ai effectivement cela en tête, depuis quelque temps, une idée de ce genre. Pour l’organiser, il faudra avoir des relais fiables sur place. De plus, dans les autres îles, on trouve des tables intéressantes, mais en nombre insuffisant pour composer un guide à part entière. L’idée serait de raccrocher ces tables à l’édition réunionnaise du guide par un cahier spécial. Cette sélection serait donc destinée principalement aux Réunionnais qui voyagent dans la région.

Quel regard portez-vous sur la restauration réunionnaise de métropole ?

Il y a beaucoup de restaurants réunionnais en métropole. Certains sont vraiment réunionnais, d’autres ouvrent leur spectre à d’autres cuisines créoles, à des spécialités mauriciennes, antillaises. Ce qui manque le plus souvent à ces restaurants, ce sont les produits authentiques qui font les saveurs de la cuisine réunionnaise, cette matière première qui donne le sel du goût d’une assiette réunionnaise. La tomate n’a pas le même goût à La Réunion qu’en métropole. Un thym de l’Hexagone et un thym créole ne donneront pas la même saveur de viande. S’il était possible de trouver en métropole des produits façonnés aux goûts réunionnais, des saucisses faites localement, des épices et des piments péi, ce serait différent.

 

Trois des parrains de Vinocité 2025 : le journaliste gastronomique Vincent Ferniot, la cheffe d’origine béninoise Georgiana Viou et le président de l’Union de la sommellerie française, Fabrice Sommier

Thierry Marx, président de l’Umih *, a déclaré que la gastronomie française était menacée de disparition du fait de la fermeture de nombreux restaurants. Comment se porte la restauration réunionnaise actuellement, quel est le moral des restaurateurs ?

La restauration réunionnaise connaît une petite crise, liée à la conjoncture, à la hausse des matières premières et du coût de l’énergie, mais aussi à un manque de personnel évident. L’année dernière, quand je réalisais l’édition 2025 du guide, c’était la première fois que je voyais autant de fermetures de restaurants. Il est vrai que ces fermetures étaient compensées en partie par des ouvertures d’autres établissements, mais on sentait un recul de la restauration. L’effet post-Covid a joué aussi, avec le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE), comme dans les autres secteurs d’activité. Confrontées à tous ces facteurs, les structures les plus fragiles au niveau de la gestion ont beaucoup de mal à tenir.

Toutes les catégories de restaurants sont concernées ?

La catégorie intermédiaire est celle qui souffre le plus. La plupart des tables que j’ai appelées dans le guide « Budgets Malins », avec des formules à moins de 21 euros, travaillent très bien. À l’autre extrémité de l’échelle, les grandes tables fonctionnent aussi très bien. Elles profitent du delta qui s’est réduit entre les tables moyennes et les grandes tables. Il n’est plus aussi marqué qu’auparavant. Des personnes à budget moyen préfèrent aujourd’hui renoncer aux tables moyennes et se faire plaisir en se payant une grande table.

La sixième édition du salon Vinocité ouvre ses portes dans quelques jours. Comment est né cet autre projet : un salon local du vin et de la gastronomie à La Réunion ?

Le salon Vinocité est né de ma rencontre avec l’agence Maestro. J’avais l’idée sur le papier d’un salon qui rassemblerait et fédérerait toutes les filières vins de La Réunion : les cavistes, les distributeurs, les représentants de marques de vin et de champagne, les vignerons locaux de Cilaos. Qu’ils puissent se retrouver et proposer leurs produits le temps d’un week-end, comme dans un salon classique, avec les particularités de La Réunion. Maestro a élargi cette vision, elle est devenue plus ambitieuse. Niveau rentabilité, c’est devenu un pari sur plusieurs années. Nous avons construit le salon ensemble. Dès la première édition, à la Cité des arts de Saint-Denis, le public a répondu présent. Nous avons fait l’édition suivante au parc des expositions Nordev. Nous pensions déjà à aller dans l’Ouest pour avoir plus de place et pouvoir accueillir plus d’exposants et plus de visiteurs, mais la crise sanitaire nous en a empêché. Nous sommes ensuite revenus à la Cité des arts. Les murs n’étaient plus assez grands, tant pour les exposants que pour l’accueil du public. Aussi, l’année dernière, nous avons déplacé le salon dans l’Ouest, au jardin d’Éden. Nous avons commencé avec 2 500 visiteurs en 2018. Ils étaient 9 000 en 2024. Le samedi soir, nous avons dû refuser du monde car nous avions atteint la jauge autorisée. C’est la sixième édition cette année de Vinocité.

Passer d’un lieu fermé à un lieu ouvert ne change-t-il pas la nature de l’événement ?

Nous sommes passés d’un mode salon à un mode plus festival. Les exposants, qui pouvaient travailler auparavant à l’intérieur dans des conditions très confortables d’accueil, ont adapté leurs stands au mode extérieur. Plus de place signifie plus d’exposants : le salon a ainsi vu l’arrivée de la brasserie, avec les grandes marques et les microbrasseries de La Réunion. La valorisation du local nous tient à cœur. Au village des spiritueux, la quasi-totalité des marques réunionnaises de spiritueux sont réunies. Si l’ambiance de Vinocité tient plus maintenant du festival, c’est aussi grâce à sa zone de dégustation, qui s’est beaucoup étendue, et à son programme d’animations, notamment la scène musicale en soirée. Ce qu’on avait pu à peine ébaucher à la Cité des arts par manque de place, nous le proposons aujourd’hui, et ça marche très bien. Une partie du public que nous avons gagné vient uniquement pour la partie gastronomie et les animations des soirées de Vinocité, pas pour le vin.

* Union des métiers et des industries de l’hôtellerie

Ludovic Amédée (au centre), chef de la Villa Fleurié, maître restaurateur classé parmi les 1000 meilleures tables du monde, avec son équipe. À droite, en haut, Murielle Michaeli, cheffe du restaurant Les Sens Ciel, cheffe de l’année du Guide Kaspro 2025. En dessous, Kevin Minatchy, chef de cuisine exécutif du groupe hôtelier réunionnais Morgabine Hospitality.

Quelques mots sur le programme de 2025 ?

Nous accueillons notamment davantage d’apiculteurs cette année dans la zone du marché des producteurs. Au food court central, différents chefs seront à l’œuvre, avec de beaux noms, comme Julien Leveneur en pâtisserie, champion de France 2022, Mathias Joma, chef du restaurant saint-pierrois Le Lavoir, Georgios Spandos, chef du restaurant Época de Grande Anse… De retour aussi, le restaurant éphémère au chef qui change à chaque service. Le caritologue de La Réunion, André Béton, assurera un service. Marraine du salon 2025, la cheffe béninoise installée en France Georgiana Viou, étoilée Michelin, en proposera un aussi. On retrouve les concours de Vinocité. Les prix Food Kèr Marché, Food Kèr Chef, Prix spécial du jury, prix Drink’er. Le concours de l’Association des sommeliers de La Réunion, dont je suis le président depuis sa création. Le concours des binômes amateur-professionnel sur la connaissance du vin. Le soir, Vinocité 2025 développe sa partie festive, sur la guinguette avec des prestations musicales. Ça s’annonce bien, je dirais.

À voir les personnalités que vous invitez, le salon Vinocité ne contribue-t-il pas à faire connaître la Réunion gastronomique en métropole ?

Par effet de ricochet, évidemment, nous faisons parler de La Réunion en métropole. De grands noms de la gastronomie française participent à Vinocité. L’année dernière, nous avions Hugo Riboulet, le jeune chef talentueux qui a gagné Top Chef en 2023. François-Régis Gaudry, critique et journaliste bien connu, sommité au niveau de la gastronomie française, était là. Cette année, nous recevons Georgiana Viou, Fabrice Sommier, président de l’Union de la sommellerie française et meilleur ouvrier de France, le journaliste Vincent Ferniot, chroniqueur gastronomique sur la chaîne Public Sénat et sur Sud Radio. Fidèle de Vinocité, le fromager Rodolphe Le Meunier, meilleur ouvrier de France, est de retour, ainsi que l’artiste du cocktail Ludwig Hartung, formateur et ambassadeur de la marque Schweppes.

Vous êtes aux premières loges pour observer l’évolution de l’offre de restauration, mais aussi de la demande, alors que les comportements alimentaires changent. Diriez-vous qu’on mange mieux aujourd’hui qu’hier ?

Assurément beaucoup mieux qu’il y a trente ans ! Les conditions d’hygiène ont drastiquement évolué. Le savoir-faire des cuisiniers a beaucoup progressé. Il y a aussi plus d’offres et plus de diversité dans l’offre à La Réunion qu’il y a trente ans. J’ai pu voir cette évolution. Elle s’est intensifiée au moment où nous lancions le magazine Mets Plaisirs, au cours des années 2010. Une nouvelle génération de chefs réunionnais s’est emparée de la scène gastronomique pour la renouveler en restant attachéeà son histoire et à la culture réunionnaise. J’ai créé le terme de « créolonomie » pour qualifier ce mouvement. Ces jeunes chefs et cheffes travaillent le produit populaire du quotidien de la cuisine traditionnelle et lui donnent une dimension gastronomique. Ces cuisiniers réunionnais de talent sont allés apprendre dans des grandes maisons de métropole. À leur retour, ils se sont réapproprié leur terroir. En fonction des communautés auxquelles ils appartiennent, ils réinventent les goûts qui ont fondé leur enfance à l’aide de techniques apprises là-bas.

Deux restaurants végans ont fait leur entrée dans le Guide Kaspro 2025 : l’avenir de la restauration se trouve-t-il dans le végétal ?

La présence du végétal est de plus en plus importante en restauration. À La Réunion, il y a une tradition du végétal. Les brèdes, les grains, occupent une place importante dans la cuisine réunionnaise. Aujourd’hui, on associe le végétal à la santé : il permet d’alléger les repas. Une raison économique joue aussi peut-être : il est clair qu’une carotte coûte moins cher qu’une côte de bœuf. Je constate que le végétal est source de créativité. Je pense qu’une très belle page de la cuisine réunionnaise pourrait s’écrire avec le végétal. Ces deux restaurants végans sont vraiment très intéressants intellectuellement. Tous les restaurants devraient inscrire à leur carte une assiette végétarienne, ce devrait être systématique, en entrée, en plat ou en dessert. Pas forcément végans, mais au moins végétarienne. Ce serait une manière de soigner son hospitalité envers les personnes végétariennes, qui sont souvent mal à l’aise au restaurant quand elles doivent annoncer qu’elles ne mangent pas de viande. La tendance flexitarienne se développe à La Réunion : c’est à prendre en considération. Moi-même, je suis omnivore, mais j’aime manger des légumes. Il peut y avoir de très belles surprises avec des légumes.

En s’ouvrant à la gastronomie et aux concerts en soirée, Vinocité (ici en 2024) attire un nouveau public, complémentaire de celui des amateurs de vins et spiritueux.

Pensez-vous que la RSE puisse devenir un critère de choix entre des établissements comme cela commence à l’être, pour certains consommateurs, dans l’achat de produits alimentaires ?

Les personnes qui se rendent au restaurant apprécient le plus souvent que le sourcing de l’établissement privilégie le local. On sent chez les chefs, depuis une dizaine d’années, un intérêt croissant à utiliser des produits locaux, je trouve que c’est important. On ne raisonne plus aujourd’hui à partir d’un cahier de commandes dont tous les produits viennent d’ailleurs. Avec, en plus, le risque que l’avion fasse défaut ! Travailler avec du local prend de plus en plus de sens. Même s’il y a des problématiques liées à cela : la constance de la qualité, la régularité de l’approvisionnement. Pour travailler le local, il faut pouvoir disposer de la matière première. Au-delà du local, je constate que les chefs sont de plus en plus sensibles à tout ce qui concerne la RSE. C’est au point que je travaille actuellement sur un projet de trophée vert. La RSE ferait partie du cahier des charges de ce trophée qui compléterait les autres trophées du Guide Kaspro. Il aurait aussi pour vocation d’inciter les cuisiniers à travailler dans ce sens.

« La course à l’innovation alimentaire ne risque-t-elle pas de finir par lasser le consommateur ? » : à cette question, Xavier Terlet, expert en innovation alimentaire, notamment du SIAL, interviewé par Leader Réunion, répondait : « Non, c’est au contraire l’absence d’innovation qui lasse. » Partagez-vous ce point de vue ?

Une tendance de la haute gastronomie cherche à créer de nouveaux concepts, elle étonne avec des techniques d’avant-garde. Ce fut le cas par exemple de la sphérification, la technique de la gastronomie moléculaire qui met des préparations liquides sous forme de sphère. Il s’agit de recherche et développement en gastronomie. Cela concerne une infime part de la gastronomie, réservée à une clientèle élitiste. Paradoxalement, on assiste en cuisine à un retour à la tradition de bistrot, avec des entrées simples, comme les œufs mayonnaise, ou des plats classiques comme la blanquette de veau. Mais cette blanquette de veau n’est plus la même que celle d’il y a trente ans. La blanquette de veau telle qu’on la préparait autrefois serait considérée trop lourde, trop indigeste, de nos jours. Là se trouve l’innovation : la blanquette de veau d’aujourd’hui a été retravaillée avec des techniques culinaires actuelles. Elle a le même goût, en plus léger. Il y a ce retour des plats mijotés, travaillés différemment.

Il n’y a donc pas d’opposition entre la tradition et la modernité en gastronomie ?

Non. On peut parfaitement revenir à des plats traditionnels avec une partition moderne. Simplement, la recette ne sera plus la même qu’il y a trente ans.

Êtes-vous sollicité pour intervenir dans des établissements scolaires et dans des formations à la restauration et l’hôtellerie ?

Je suis déjà intervenu dans des établissements scolaires pour parler de mon métier de journaliste gastronomique, de ma vision de la cuisine, de la cuisine d’aujourd’hui et de son évolution. Mais comme formateur, non. Je ne suis pas professeur et je me garde bien de donner des leçons sur les façons de cuisiner. Mais je serais ravi de partager avec des jeunes ce que je sais de ce métier de la restauration.

Que leur diriez-vous ?

Thierry Kasprowicz est président de l’Association des sommeliers de La Réunion.

C’est un métier qui fait rêver, mais qui demande pour réussir une très forte motivation. Ce n’est pas un métier comme un autre. Il exige un engagement personnel. La cuisine est quelque chose de profondément émotionnel, pour celui qui la fait comme pour celui qui la déguste. Il faut avoir la volonté, non seulement de bien faire, mais de faire plaisir aux autres. C’est cela l’amour de la cuisine. Et c’est vrai pour toutes les cuisines. Je pense à la cuisine scolaire, par exemple. Cette cuisine, et celles et ceux qui la font, devrait bénéficier de davantage de considérations. La cuisine, c’est aussi un passeport universel. Avec ce bagage, on peut partir travailler partout dans le monde. La cuisine ouvre beaucoup de portes. C’est une expérience à vivre d’une grande richesse. Elle a ses contraintes, ses exigences, mais les conditions de travail n’ont plus aucun rapport avec ce qu’elles étaient il y a trente ans. Il n’est plus question de travailler 70 heures par semaine ! Pourtant cette image persiste. Elle est en grande partie la cause des difficultés des restaurateurs à recruter. Les jeunes doivent comprendre que le rêve est une chose et la réalité, une autre. Mais cette réalité peut être extrêmement épanouissante.

Vinocité, le coup de maître de Maestro

Née en 2017, l’agence de communication et de marketing événementiel Maestro, leader de l’événementiel B to B, a vu son professionnalisme confirmé et sa notoriété stimulée, depuis de 2018, par la réussite du premier salon réunionnais du vin et de la gastronomie.

Une petite équipe pour de grands événements. L’agence Maestro compte neuf personnes depuis l’arrivée récente, en tant qu’associée et comme collaboratrice, d’Anaar Mamode aux côtés des deux cofondateurs Michaël Dionisi et Mathieu Tolu. Mais les événements qu’elle organise peuvent mobiliser plus de 60 professionnels de divers métiers. L’agence joue un rôle de chef d’orchestre du sur-mesure. « Chez nous, pas un événement ne se répète, nous ne dupliquons aucun concept », assure Michaël Dionisi. Maestro entame aujourd’hui une nouvelle partition en se lançant dans une démarche de certification ISO 20121, la plus haute des activités événementielles. La première à La Réunion. « Nous nous lançons dans un accompagnement de neuf à dix mois qui va transformer l’agence en la structurant davantage et en l’amenant à revoir ses pratiques. L’ISO est une démarche d’amélioration continue. Elle garantit à nos clients notre engagement dans la responsabilité de nos prestations, tant sur le plan écologique qu’humain et sociétal, une dimension très importante pour nous qui faisons travailler des sous-traitants », explique Michaël Dionisi. « Notre niveau de service sera alors équivalent à celui des meilleures agences métropolitaines. »

Des salons B to B
Cette certification appuiera l’ambition de l’agence de produire des salons B to B. Une manière aussi d’exploiter le savoir-faire acquis en production avec Vinocité. Les thématiques du tissu économique local ne manquent pas en effet, pouvant justifier des événements fédérateurs. Des thématiques dont l’agence a déjà l’expérience via ses prestations pour sa clientèle d’entreprises. S’y ajoute la conviction que « plus la communication numérique se développe, plus le besoin de lieux physiques où se rencontrer et échanger se fait sentir ». Le modèle économique reste à étudier, mais ce projet est « dans le viseur de l’agence », confirme Michaël Dionisi.
Vinocité, les 3, 4 et 5 octobre, Jardin d’Éden, La Saline-les-Bains.

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