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samedi 20 avril 2024

Collaborer pour exporter

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Fruit d’une convention de partenariat signée le 16 novembre 2020 entre la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la Réunion et le Club Export Réunion, la première expérience d’exportation collaborative réunionnaise voit le jour cette année. Un groupe d’artisans en produits alimentaires de haut de gamme va constituer une offre commune dédiée à la vente à l’étranger, dans l’Océan Indien, en Europe, voire au-delà. L’exportation collaborative vise à associer des entreprises qui souhaitent se lancer à l’export mais n’en ont pas les moyens individuellement. Accompagné par le Club Export, ce premier projet pourrait, s’il réussit, ouvrir la voie à d’autres groupements du même type, voire inciter à d’autres formes d’action collective pour faire valoir à l’extérieur, en particulier en Afrique, les multiples savoir-faire développés dans le contexte insulaire réunionnais. Président du Club Export, Laurent Lemaitre, par ailleurs directeur général du bureau d’études Intégrale Ingénierie, expose les tenants et aboutissants de ce projet inédit et la vision de l’exportation qui le sous-tend.

Leader Réunion : Vous défendez l’idée que, pour exporter, les entreprises réunionnaises ont intérêt à se grouper : sur quoi se fonde cette conviction ?

Laurent Lemaitre : Je prends un exemple que je connais bien du fait de mon métier : la ville durable, la smart city. On a développé à la Réunion une expertise phénoménale dans ce domaine, sans que l’on s’en rende compte d’ailleurs. En France, on a toujours tendance à s’auto-flageller. La réalité, c’est que dès qu’on sort du territoire on s’aperçoit que la Réunion a acquis une véritable expertise dans la réalisation de ces smart cities. Nous avons déjà deux écocités construites, une à Beauséjour et la seconde en cours de réalisation à la Possession, Cœur de Ville. La troisième sera l’écocité de Cambaie. Cette expertise-là, de la conception à la réalisation, constitue un savoir-faire global associant de nombreux acteurs. Cela va jusqu’à la gestion déchets, le numérique, le domaine hospitalier, le savoir-faire industriel, etc. Aussi, c’est un de nos objectifs dans les prochaines années : mettre sur pied un groupement capable d’intervenir sur un quartier par exemple, dans des villes africaines notamment où les besoins d’urbanisme sont importants.

S’agirait-il de répondre à des appels d’offre ou de prendre l’initiative d’aller exposer nos compétences ?

D’abord, nous devons être reconnu internationalement pour cette spécialité de la ville durable que nous possédons. Communiquer sur ce que nous avons fait. Utiliser tous les réseaux possibles. Peut-être organiser un événement international à la Réunion. Dans un deuxième temps, nous pourrons répondre à des appels d’offre internationaux publics ou privés. Un exemple, c’est la fameuse ville que l’Etat malgache veut construire, Tana 2. Nous sommes juste à côté. Je considère que nous devons vendre nos savoir-faire sur des projets de ce type. J’ai cité cet exemple de la ville durable pour montrer dans quel état d’esprit nous sommes. Nous devons prendre conscience de nos atouts à l’export. Ils sont nombreux et le projet d‘exportation collaborative que porte le Club Export, avec la Chambre de Métiers et de l’Artisanat, en est un autre exemple.

Quel est ce projet d’exportation collaborative ?

Il s’agit de créer un groupement qui va réunir plusieurs petites entreprises locales intéressées à exporter qui seront identifiées par la Chambre de Métiers. Ce groupement aura une forme contractuelle. Il sera animé par le Club Export. Il mutualisera les frais se rapportant à l’exportation, fret, communication, publicité, accompagnement, etc. Il permettra aux entreprises de travailler en commun dans une approche d’offre territoriale.

Concrètement, sept ou huit entreprises artisanales spécialisées dans un produit du terroir vont se regrouper pour constituer une offre commune. Par exemple la confiture péi, la vanille, etc. A la Réunion, ces petits producteurs sont concurrents et, pris individuellement, aucun d’entre eux n’est capable de partir à l’export. Par manque de moyens financiers, par crainte de se lancer, parce qu’ils ne sont pas organisés pour exporter. Nous allons les faire travailler ensemble. Chacun va identifier un produit phare. Une marque spécifique commune sera créée. Le Club Export s’occupera du marketing, de la communication et de la publicité de cette marque et de ces produits. Nous allons créer notamment un site internet. Et c’est ensuite ensemble que ces entreprises partiront à l’export avec notre appui. Cette action va se développer sur deux ou trois ans.

Quel est le rôle du Club Export ?

Son rôle sera de coordonner toutes les étapes conduisant à l’exportation. Nous intervenons à toutes les phases. En premier, l’évangélisation : ce terme désigne la présentation du projet aux entreprises afin qu’elles l’adoptent et acceptent de travailler entre elles. L’identification du groupe : nous n’allons pas intervenir dans le premier choix des entreprises, mais dans le diagnostic des candidates afin d’évaluer leur capacité à exporter. La structuration du groupe : ce sera la partie juridique, le marketing, la communication, etc. Ensuite l’offre, avec l’identification des marchés dans l’océan Indien et en Europe et la commercialisation. Nous serons accompagnés par un consultant en contact avec des experts présents sur ces marchés.

Nous proposerons un catalogue des produits. Les clients feront leur choix s’ils ont des préférences. Ou bien des alliances seront passés avec des producteurs locaux. Toutes les solutions sont possibles. Ce premier pas à l’export sera de toute façon profitable à tous en termes d’expérience. Et cette collaboration fera connaître les forces et les faiblesses de chacun. Notre rôle, au Club Export, sera de trouver à chaque fois le meilleur schéma pour que les entreprises atteignent leurs marchés. Car la stratégie devra être adaptée à chaque type de produit ou de service. C’est un métier d’expertise qui n’a jamais été fait jusque-là à la Réunion.

Comment a été reçu ce projet dans le milieu artisanal ?

Quand nous l’avons présenté à la Chambre de Métiers, nous avons constaté une forte demande, qui nous a même surpris.

On parle ici d’exporter à l’étranger uniquement, ou également en métropole ?

Les deux. En théorie, l’export pour nous, c’est hors métropole et hors Mayotte. Mais il est vrai que la majorité des entreprises réunionnaises pensent à la métropole lorsqu’elles parlent d’export. Nous les assisterons de la même façon sur le marché métropolitain que sur des marchés étrangers où les difficultés liées à la langue, à la réglementation, seront beaucoup plus grandes. Mon avis, c’est que, en groupement ou pas, les entreprises locales ayant un bon produit arriveront toujours à le vendre en métropole. Mais l’objectif, lorsqu’on parle de savoir-faire et de produits de qualité à forte valeur ajoutée, c’est clairement d’aller en dehors de cet espace francophone. Dans la zone océan indien, en Europe, et pourquoi pas, jusqu’aux États-Unis, au Japon, dans les pays riches qui sont demandeurs de cette valeur ajoutée.

Vous avez parlé de ville durable, de produits alimentaires haut de gamme : quels sont les produits et services les mieux adaptés à l’exportation collaborative ?

Il faut bien distinguer ce que je disais sur la ville durable et l’exportation collaborative. Ce sont deux approches différentes. La ville correspondrait à une offre de services et de savoir-faire complémentaires. A ce stade, c’est encore une réflexion. L’exportation collaborative, elle, est un modèle prêt à fonctionner : elle réunit des entreprises produisant le même type de produit et qui construisent une offre autour de ce produit. C’est la première fois que cela se pratique à la Réunion. Il faut savoir que peu de groupements de ce genre ont vu le jour pour l’instant en métropole. Deux d’entre eux inspirent notre premier projet. Olivence, créé par cinq producteurs d’huile d’olive de Provence, a travaillé fortement la visibilité de l’offre française auprès des professionnels de la restauration anglais. Le Club Crus du Beaujolais a joué groupé aux USA et au Brésil. Ces deux succès nous encouragent. Cela veut dire que nous ne sommes pas du tout en retard à la Réunion. La Chambre de Métiers est en train d’étudier des typologies de produits artisanaux. Nous-mêmes, au Club Export, nous sommes en train de nous former à cette exportation collaborative. Maintenant, nous sommes sur des marchés de niche. Nous commençons donc modestement par un petit groupement d’artisans agroalimentaires ayant un positionnement d’excellence. Il est essentiel que ce premier groupement soit un succès si nous voulons convaincre d’autres entreprises de participer à un deuxième groupe. Des entreprises qui seront peut-être un peu plus structurées dans des métiers plus complexes. C’est ainsi que s’enclenchera une dynamique d’exportation. La Réunion se caractérise par des savoir-faire uniques, dans l’artisanat, dans l’industrie. Nous sommes très fort en hospitalier. Nous avons des compétences dans le traitement des déchets, etc. On se rend compte de cette diversité de savoir-faire dès qu’on en sort du territoire.

Pourquoi n’arrive-ton pas à exporter davantage à la Réunion ?

Le constat est toujours le même : la crainte d’échouer, les coûts, la petite taille des entreprises qui manquent de structuration. C’est pour pallier ce manque que nous créons ce cadre dans lequel les entreprises pourront s’engager, non plus isolément mais collectivement, avec l’objectif de gagner ensemble. Nous voulons qu’au bout de cette démarche se lève enfin le tabou à l’export que les entreprises réunionnaises s’imposent depuis des années.

Olivier Soufflet

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