L’histoire de Castel Frères à La Réunion commence en 1979, lorsque le groupe est entré dans le capital de la Compagnie vinicole de l’océan Indien (Covino). Covino est devenue une filiale à 100 % de Castel Frères en 2005. Bien des événements ont ponctué le développement de l’entreprise réunionnaise, mais le changement de dénomination sociale intervenu fin 2024, suivi de l’inauguration le 5 mai dernier de l’usine rénovée et modernisée d’embouteillage, marquent nettement la volonté du groupe Castel d’ouvrir une nouvelle page de cette histoire industrielle attachée à La Réunion.
C’est un chapitre riche de potentialité qui débute pour l’établissement réunionnais, comme nous l’explique Alain Castel, directeur général, et Sophie Palatsi, directrice générale déléguée, de la branche vins du groupe Castel, troisième opérateur mondial du vin et premier producteur français et européen. Les deux dirigeants sont venus célébrer la fin officielle des travaux de modernisation et d’agrandissement du site d’embouteillage, qui vont permettre la montée en gamme des vins embouteillés localement. Et c’est une stratégie de croissance et de rayonnement à La Réunion, mais aussi sur la zone voisine de l’océan Indien, voire plus loin, qui se dessine. Sous la conduite opérationnelle de David Cailleux, directeur général de Castel Réunion, cet investissement de plus de 5 millions d’euros financé sur ses fonds propres par le groupe Castel, va permettre l’embouteillage, dès cette année, de la marque phare et historique du groupe, Vieux Papes. Dès que la filiale locale aura confirmé sa capacité à embouteiller les vins premium du groupe, la voie sera ouverte à une réduction des importations de vins depuis la métropole ainsi qu’à une activité de réexport vers les marchés environnants. Castel Réunion deviendrait ainsi, à terme, le hub de Castel dans la région. Un bel avenir en perspective pour l’entreprise réunionnaise, sur un marché du vin qui évolue rapidement avec les nouvelles manières de percevoir et consommer le vin des nouvelles générations.

Leader Réunion : Castel associe à La Réunion une activité de production, avec l’embouteillage, et de distribution de vin. Cette configuration est-elle spécifique à La Réunion ou se retrouve-t-elle dans d’autres filiales du groupe Castel en métropole ou dans le monde ?
Alain Castel : Une entreprise est forcément adaptée à un pays, à un marché, à une concurrence aussi. Toutefois, on trouve en effet des équivalences d’activité avec Castel Réunion au sein du groupe, en dehors de la métropole. Nous avions ainsi un centre d’embouteillage en Russie, à Kline, près de Moscou. Avec la guerre en Ukraine, nous l’avons fermé : il ne fait plus partie de notre groupe. Nous avons à peu près la même équivalence en Afrique, dans plusieurs pays. Notamment en Côte d’Ivoire. En Afrique de l’Ouest, je citerai encore le Cameroun, où nous avions une activité d’embouteillage que nous avons interrompue, mais que nous devrions reprendre très prochainement. En Éthiopie, nous exploitons un vignoble et produisons du vin, nous avons donc une activité d’embouteillage sur place. Au Maroc également, nous produisons du vin, nous embouteillons et nous distribuons. Et dans cette comparaison des activités, je n’oublie pas l’enseigne Nicolas, dont Castel Réunion possède la master-fanchise pour l’océan Indien, avec 16 caves : 10 à La Réunion, 4 à Madagascar et 2 à l’île Maurice. Nous avons une vingtaine de points de vente Nicolas au Maroc. Une chose est sûre, c’est qu’il faut maîtriser un métier de A à Z, de son point de départ jusqu’à sa finalité en étant le plus professionnel et le plus spécialiste possible. Il faut toujours avoir en vue que, derrière le distributeur, il y a le consommateur. Du début d’un produit jusqu’à sa mise sur le marché, il faut toujours se demander si le consommateur sera pleinement satisfait. C’est ce travail de professionnels que nous réalisons.
Le groupe Castel est le troisième intervenant mondial dans le vin, le premier producteur de vin en France et en Europe. Pouvez-vous donner un aperçu de ce rayonnement international ?
Le pôle vins rassemble plusieurs établissements dans les plus grandes régions viticoles de France, avec des centres d’embouteillage d’une capacité de production d’une centaine de millions de bouteilles par an pour chacun d’entre eux. Nous produisons un total de 350 millions de bouteilles. Une grande partie est destinée au marché de la métropole, le reste est exporté dans près de 140 pays à travers le monde. Castel Frères, c’est aussi des propriétés viticoles. Nous exploitons une vingtaine de propriétés, principalement dans la région bordelaise, également dans le Roussillon, en Provence et dans la région nantaise. Notre activité de distribution prend plusieurs formes. Pour la distribution directe, le réseau Nicolas, qui fait pleinement partie du groupe, soit quelque 500 magasins en France et à l’international. Nous sommes présents aussi, depuis le rachat de Vinatis en 2022, dans l’e-commerce du vin. Vinatis est le numéro 1 de la vente de vin et spiritueux sur Internet. Cette activité d’e-commerce du vin a généré l’année dernière 78 millions de chiffre d’affaires, un chiffre en constante progression. Le seul canal de distribution qui progresse aujourd’hui dans le commerce du vin, c’est l’e-commerce.

Le plus gros des ventes de vin ne se fait-il pas en grandes surfaces ?
Elles sont en baisse. Dans le retail, je pense que le modèle des hypermarchés, de grands magasins, intéresse moins les jeunes générations. Dans les années 1970-80, c’était un plaisir d’aller faire ses courses, c’était une sortie. On y consacrait quasi tout l’après-midi ! Aujourd’hui, les courses sont perçues comme une corvée, une simple obligation pour se nourrir. La nouvelle génération trouve dans l’e-commerce la simplicité, la facilité, la praticité, qu’elle recherche pour n’avoir pas à se déplacer. C’est vrai pour le vin comme pour tous les autres produits qui peuvent être distribués par le biais du e-commerce.
Comment se porte le marché du vin et comment évolue-t-il ?
Le constat général, c’est une baisse de la consommation du vin. Elle ne date pas d’aujourd’hui, mais se poursuit. Elle a commencé à la fin des années 1970. À l’époque, en métropole, on consommait environ 120 litres de vin par an et par habitant. Aujourd’hui, nous sommes rendus à 45 litres. Et cette baisse est en train de s’accentuer. Jusqu’à ces dernières années, elle se chiffrait à 1 %, 2 %, au pire 3 % par an. Elle était gérable. On compensait, par de nouvelles acquisitions, de nouvelles offres de produits. Depuis deux ans, la baisse annuelle de la consommation de vin se situe entre 5 % et 8 %. Un recul aussi fort est plus difficile à gérer. Et il se reporte sur la production des viticulteurs, qui souffrent. Nous estimons que la consommation de vin arrivera à se stabiliser aux environs de 35 litres par personne. Nous allons donc connaître encore une baisse de consommation récurrente pendant quelques années. Ce qui est certain, c’est qu’elle finira par se stabiliser.
Le vin intéresse moins les jeunes ?
Les jeunes veulent consommer moins et consommer mieux. Les comportements de consommation, les moments de consommation, changent. Dans les habitudes de consommation du vin, les jeunes générations ne sont pas comparables avec les générations de nos parents. On le voit également dans la croissance du segment des vins sans alcool ou à faible teneur en alcool. Castel est d’ailleurs en train de préparer une offre spécifique pour cette clientèle.

La baisse de consommation touche tous les vins ?
Elle s’observe surtout sur les rouges. Le rouge est la couleur du vin des repas, du vin consommé en famille. Ce moment convivial, le repas familial, les jeunes générations le délaissent de plus en plus. De ce fait, ils boivent moins de rouge. En revanche, les couleurs rosé et blanc, elles, se portent plutôt bien. Ce sont les couleurs des vins d’apéritif et de fête, qui se boivent frais, avec des glaçons, entre amis. Ils sont plus faciles à consommer. Cette consommation attire notamment une importante clientèle féminine. Il n’en reste pas moins que le volume principal du marché se fait sur la couleur rouge, et c’est cette consommation-là qui dégringole. Il faut retrouver un équilibre de façon à ce que le marché se restabilise et qu’il reprenne des formes, voire des couleurs.
Les autres pays consommateurs de vins sont dans la même situation ?
Oui, la déconsommation du vin est mondiale, y compris aux États-Unis, qui restent le premier marché du vin au monde. La consommation n’y est pas importante par habitant, mais on compte 250 millions d’adultes aux États-Unis ; forcément, la consommation y est plus élevée qu’en France. En Chine, l’effondrement du marché du vin a une autre raison. La Chine était un eldorado pour le vin et les spiritueux jusqu’à la loi anticorruption du président Xi Jinping. La consommation de vin importé a quasi disparu en Chine. Elle se limite aux hôtels et aux endroits un peu plus occidentaux. C’était une consommation collective, liée aux banquets et aux événements dans les administrations, dans les armées, où chacun se faisait des cadeaux. C’est là que se situait le marché. Le jour où la loi anticorruption s’est appliquée, à juste titre certainement, toute la clientèle des fonctionnaires a pris peur et le marché chinois s’est dissous du jour au lendemain. La consommation collective est passée à néant. Nous avons pensé qu’elle se transformerait en consommation individuelle, dans les foyers, mais les Chinois ne boivent pas, ne se nourrissent pas, de la même façon que nous. La consommation individuelle de vin est demeurée inexistante.
Quelle place occupe La Réunion et l’océan Indien pour Castel ?
La Compagnie vinicole de l’océan Indien, Covino, créée en 1954, a été reprise par le groupe Castel en 1979. Nous avons plus de 40 ans d’histoire avec La Réunion. Ce n’est pas rien. La consommation de vin à La Réunion n’est pas négligeable. La population de l’île, de près de 900 000 habitants aujourd’hui, augmente. Le développement économique de La Réunion est meilleur que celui, total, de la France. Tous les facteurs sont réunis pour que nous nous ancrions à La Réunion. Elle fait partie de notre royaume, et, je le dis souvent, il faut savoir rester dans son royaume. Une autre valeur de La Réunion pour nous, c’est sa position dans l’océan Indien. Madagascar n’est pas très loin. Le continent africain non plus, avec tout son potentiel économique. Ce sont autant de liens qui sont et doivent rester en place pour maintenir l’unité de notre écosystème de groupe.
La Réunion a-t-elle vocation à devenir un hub pour le réexport de produits ?

À ce niveau également, La Réunion a ses qualités, ses avantages. Déjà par sa bonne connaissance de l’océan Indien, du système économique régional, entre l’Afrique du Sud, Madagascar et tous les pays voisins. Si une plateforme, comme vous l’entendez, doit se développer, ce sera à La Réunion en effet de jouer ce rôle. C’est d’ailleurs déjà le cas avec l’ouverture des magasins Nicolas de Maurice et de Madagascar. C’est à partir de La Réunion que se fait le développement de l’enseigne Nicolas dans la région. Le réexport, c’est-à-dire une production embouteillée localement, comme nous le faisons pour le marché réunionnais, mais qui serait destinée, soit aux autres îles de la région, soit à des pays plus éloignés : cette stratégie est tout à fait envisageable. Tout dépend aussi des opportunités. La vie est faite d’opportunités, c’est du pareil au même dans les affaires. Dans tous les cas, notre groupe poursuit une logique de croissance et, pour pérenniser nos intérêts à La Réunion, nous sommes ouverts à toutes les possibilités. Avec la modernisation en profondeur de notre usine d’embouteillage réunionnaise, nous nous donnons de nouveaux moyens qualitatifs et quantitatifs. Mais les choses ne se feront pas d’un coup. L’export depuis La Réunion ne peut s’inscrire que dans une vision de long terme. Il faudra auparavant des étapes qui confirmeront – ou pas – si nous pouvons avancer dans cette direction.
On peut donc imaginer qu’un jour des vins embouteillés à La Réunion partiront vers l’Afrique du Sud et l’Afrique de l’Est ?
Pourquoi pas ? Cela va dans le sens de notre histoire avec La Réunion. Cela va aussi dans le sens de ce que je disais tout à l’heure : consommer moins, mais mieux. Notre outil industriel réunionnais est désormais adapté aux évolutions et aux opportunités du marché. Il est aux normes environnementales les plus exigeantes. Ces nouveaux investissements vont permettre de développer un embouteillage de grande qualité à La Réunion. Nous allons dès cette année embouteiller localement notre marque historique Vieux Papes, créée en 1949, notre première marque sur le marché français. Ce n’est pas rien. Le site réunionnais pourra embouteiller d’autres marques françaises et internationales, des vins d’Afrique du Sud par exemple, s’il arrive à remplir pleinement cette mission. J’y crois très fortement. Dès lors, si nous embouteillons nos grandes marques à La Réunion, pourquoi ne pas les exporter depuis La Réunion vers d’autres pays de l’océan Indien.
Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à intégrer la dimension environnementale dans le choix des produits qu’ils achètent. Est-ce le cas également pour le vin ?
Sophie Palatsi : Ça l’est. Je vais vous donner un exemple à La Réunion même. Lors de notre venue nous avons eu la chance de pouvoir visiter plusieurs magasins. Je me souviens d’avoir observé une consommatrice devant un rayon de vins : les seules bouteilles qu’elle sortait pour les regarder avaient le logo vert du bio. L’impact environnemental des vins est pris en compte par un nombre croissant de consommateurs. Nous sommes prêts à répondre à cette attente. Tous nos vins sont certifiés Terra Vitis. Nous avons choisi d’aller vers ce label spécifique au vin, car il défend une gestion durable du vignoble basée sur l’agriculture raisonnée. Il traduit une véritable reconnaissance du travail du vigneron. Aller vers des vins respectueux de l’environnement sera clairement le choix des consommateurs de demain, et cette tendance rejoint complètement la philosophie de notre entreprise. Entre le volet environnement avec la maîtrise des déchets, la réduction des consomations d’énergie et d’eau, le volet social avec la formation, la sécurité et qualité de vie au travail, le volet sociétal à travers diverses initiatives, le développement durable a un rôle structurant pour le groupe. Cette ambition inclut aujourd’hui pleinement Castel Réunion.
Comment voyez-vous l’avenir du groupe Castel Frères ?
Alain Castel : Je vais faire référence au fondateur du groupe, Pierre Castel. C’était un patron autodidacte, qui s’est fait par lui-même. Il nous disait toujours que lorsqu’on est gros, on est appelé à encore grossir tout le temps, sinon on s’étiole. Il faut toujours agir dans une logique de croissance, toujours aller de l’avant, malgré les difficultés. C’est la logique des affaires. Il faut s’assurer qu’elles fonctionnent et les pérenniser. Si vous avez besoin de nouvelles acquisitions pour remplir vos objectifs, il faut pouvoir les faire. L’entreprise doit disposer de fonds propres suffisants pour faire face aux coups durs et malgré tout continuer d’avancer… Castel est une entreprise familiale depuis sa création en 1949. J’appartiens à sa deuxième génération, Sophie Palatsi à sa troisième génération. Je dirai que notre histoire se poursuit et qu’il faut qu’elle reste familiale.
Un renouveau dans la fidélité aux origines

David Cailleux, directeur général de Castel-Réunion, décrit l’établissement renommé et rénové qui s’engage dans une nouvelle étape de son existence, tout en demeurant attaché à l’esprit et aux marques historiques à l’origine de son ancrage local.
Comment faut-il désormais appeler la société : Castel, Castel Frères, Castel Réunion ?
David Cailleux : Officiellement, c’est bien Castel, le nom figurant sur la façade du bâtiment. Le même qu’à Blanquefort, au siège du groupe. Mais il est vrai que, dans nos échanges internes, on nous appelle « Castel La Réunion ». Chaque filiale du pôle vins se différencie selon la zone géographique où elle est positionnée.

Qu’est-ce qui motive ce changement de nom et les investissements importants qui lui sont liés ?
La Compagnie vinicole de l’océan Indien, ou Covino, a été créée en 1954. Le groupe Castel est entré dans son capital en 1979. Elle est toujours restée au même emplacement au Port, près du quai où l’on déchargeait le vin en vrac des bateaux. Dans sa structure et son fonctionnement, ce site emblématique n’avait que peu changé depuis tout ce temps. Il s’était agrandi en superficie en se développant, mais sans pouvoir intégrer toutes les évolutions de la réglementation s’appliquant à l’industrie. Nous avions donc l’obligation de respecter les normes actuelles, notamment de sécurité et environnementales. C’était aussi la volonté du groupe, qui s’investit pleinement dans la RSE dans tous ses sites de production. Cette mise à niveau s’inscrivait dans un besoin de modernisation logistique et industrielle. Notre capacité de stockage, en particulier, ne convenait plus à nos attentes. Quant au stock Nicolas, il se trouvait déporté sur un autre site. À l’objectif de regrouper l’ensemble de nos activités de stockage sur le même site s’ajoutait le besoin d’accroître notre capacité en cuverie, trop limitée pour continuer à diversifier notre offre de vins entre IGP, AOC, vins de l’Union européenne. La gestion de l’arrivée des vracs et le stockage du vin avant sa mise en bouteille devenaient de plus en plus difficiles. Le groupe Castel a voulu que nous puissions exercer notre métier à La Réunion de la même manière que dans ses autres sites en France hexagonale. C’est chose faite aujourd’hui avec une nouvelle cuverie, un nouveau laboratoire qualité, la mise aux normes du bâti, des conditions de production améliorées. Le nom Castel sur notre façade signifie que nous sommes attendus au même niveau d’exigence que l’ensemble du groupe. Ce changement marque également la reconnaissance du groupe envers notre entreprise – tant vis-à-vis de nos clients que de nos collaborateurs, fortement attachés à leur outil de travail. Désormais, cette identité affirmée nous engage collectivement à poursuivre notre développement avec ambition, exigence et fierté.
Le renouveau de l’usine intègre-t-il un volet RSE ?
C’est un volet très important de la modernisation du site. Et nous sommes accompagnés par la direction industrielle et RSE du groupe Castel dans cette volonté de répondre au mieux aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. Nous sommes désormais équipés d’une station bio de traitement et d’épuration des eaux usées. Sur la partie déchets, nous avons mis en place un tri rigoureux, sur la partie verre, la partie plastique, la partie carton, etc. Nous étudions actuellement la modernisation de nos équipements pour qu’ils consomment moins d’eau, ce sujet comme tant d’autres est très important à prendre en compte dès maintenant. Sur le volet énergétique, l’isolation de la toiture accompagnée d’insufflateurs et d’extracteurs nous permet de mieux gérer la température intérieure de l’usine pour le bien-être au travail de nos collaborateurs. Une partie de nos bureaux sous toiture ont aussi été isolés pour limiter le besoin en climatisation. Nous allons couvrir en photovoltaïque l’ensemble de notre toiture. Je m’apprête à lancer l’appel d’offres pour la gestion de nos besoins en électricité à partir de ces panneaux photovoltaïques. Je pense que la signature se fera en fin d’année.

La modernisation s’accompagne-t-elle d’un renforcement de l’équipe ?
En effet, nous avons gagné en compétences avec le recrutement d’un directeur de production et logistique, Teddy Laurent, ingénieur gestion de production de formation, et d’une responsable QHSE, Vani Sam-Mine, ingénieur agroalimentaire de formation, qui possède une belle expérience dans le secteur du vin et de l’embouteillage. Ces deux collaborateurs revenus sur leur terre d’origine, à La Réunion, nous font bénéficier des connaissances qu’ils ont acquises en métropole pour accompagner la transition de l’entreprise. Nous bénéficions par ailleurs désormais au quotidien de l’expérience du groupe. Nos équipes fonctionnent en réseau de manière transverse avec les équipes de direction des différents départements du groupe. Elles sont en lien direct avec leurs homologues basés en métropole.
Faut-il parler d’un nouveau départ pour l’entreprise ?

Je dirais qu’il s’agit d’une nouvelle organisation interne qui se veut plus efficiente. Toutefois, je tiens à souligner que nous restons très attachés à nos marques emblématiques, qui sont toujours embouteillées dans l’esprit de Covino. Je parle notamment des marques de vin Royal, Bouton d’Or, Peyssard, Robitaille. Si l’outil industriel est modernisé avec une volonté de montée en gamme, ce n’est pas pour autant qu’elles ont changé. D’ailleurs, sur ces bouteilles, notre nom commercial vis-à-vis de nos clients finaux reste le même : Compagnie vinicole de l’océan Indien. Pour ma part, je considère que c’est un devoir de garder ces marques emblématiques et de continuer de les proposer à leur clientèle fidèle. Cela étant posé, rien ne nous empêche de rêver plus grand et d’embouteiller d’autres marques nationales. Ce sera le cas avec Vieux Papes, marque phare du groupe Castel qui, pour nous, va ouvrir ce chemin. Le but est d’élargir petit à petit notre offre de vins Castel. Nous vivons donc la fin d’un chapitre, mais nous avons encore de nombreuses pages à écrire : la trame de notre histoire à venir est assez claire.
Comment se situe Castel, en cette mi-2025, sur le marché réunionnais des boissons ?

Qualité, Hygiène, Sécurité
et Environnement (QHSE).
En grande distribution, si le premier trimestre a été un peu en dessous de nos prévisions, le deuxième trimestre a été meilleur : nos volumes se sont stabilisés. Nous demeurons un acteur incontournable sur un marché du vin confronté à une déconsommation mondiale. Nous ressentons cette tendance aussi à La Réunion. Mais nous parvenons à limiter cette baisse grâce à des marques reconnues par les Réunionnais et à des vins plus dans l’air du temps qui viennent dynamiser le marché attendu par nos consommateurs. À ce niveau, nos équipes commerciales de terrain font un travail fabuleux. Nous avons la chance d’avoir une entreprise qui fonctionne vraiment bien sur ce plan. Sur la partie CHR également, notre équipe possède une très forte crédibilité pour la clientèle : les relations sont anciennes et les clients savent qu’ils peuvent compter sur nous. Cet engagement envers la clientèle est une de nos forces qui a été bâtie avec le temps. Chez Nicolas aussi, le premier trimestre a été un peu en dessous des objectifs que nous nous étions fixés, puis les indicateurs sont repartis à la hausse. Nous constatons une très bonne fréquentation dans nos 10 caves Nicolas, qui compense la baisse observée du panier moyen. Nos clients, quel que soit le circuit, nous font confiance. La confiance, c’est, je crois, le mot qu’il faut retenir et qui nous encourage chaque jour à maintenir le travail et notre engagement sans faille envers nos distributeurs et consommateurs.
Le marché de la bière compense-t-il la déconsommation du vin ?
Il y contribue fortement. De belles marques de bières sont à notre catalogue : Leffe, Hoegaarden, Corona, Bud. Sans oublier la THB, marque de la brasserie Star, notre filiale sœur basée à Madagascar, fonctionne très bien. D’autres partenariats sont envisageables pour développer cette offre de bières. J’y réfléchis. Nous sommes ouverts, et je dirais même aux aguets, pour pouvoir répondre à toutes les attentes. Chez Nicolas, par exemple, nos portes sont grandes ouvertes aux offres locales. La quasi-totalité des brasseries artisanales réunionnaises sont présentes chez Nicolas.
Castel est aux côtés de l’entreprise depuis plus de 50 années ! Que vous inspirent cette longévité et cette fidélité, somme toute assez remarquables dans le paysage industriel de La Réunion ?
Castel est un groupe international avec une gouvernance familiale. La loyauté est clairement une de ses valeurs. J’ai commencé moi-même chez Castel en 2011, je dirigeais les caves réunionnaises Nicolas. Je me souviens avoir demandé au directeur général de Covino de l’époque, qui allait prendre sa retraite dans quelques années : si vous partez, qu’est-ce qui va se passer ? Il m’avait rassuré en m’expliquant l’importance de l’île de La Réunion pour le groupe. M. Castel rappelle toujours que La Réunion est un département français comme un autre et que dans l’organisation du groupe nous devons être considéré comme tel. Je résumerais que, pour la direction générale Castel, La Réunion n’est pas un territoire « d’exportation », mais bien un département à part entière dans lequel nous sommes tous fiers d’être présents.

Fort du développement de ses capacités d’embouteillage, Castel-Covino se donnait, il y a une dizaine d’années, l’objectif d’augmenter ses volumes. Cet objectif est-il toujours d’actualité ?
Ces dernières années, les volumes d’embouteillage étaient plutôt à la baisse du fait de la situation de la consommation du vin, en baisse depuis plusieurs années. Comme je le disais, notre travail sur l’offre a permis de stabiliser les volumes.
En 2024, nous avons embouteillé 4 200 000 bouteilles (éq. format 75 cl). Nous embouteillons également des vins sous d’autres format : au litre, en Bag-in-Box, etc. Les investissements du groupe dans sa filiale réunionnaise vont à présent nous permettre de développer l’embouteillage de marques nationales et ainsi de maintenir, voire d’augmenter, les volumes. Tel est mon objectif, en tant que directeur général, parce que le poumon économique et notre savoir- faire est l’embouteillage local. L’embouteillage crée de la valeur, de l’emploi et de la diversification dans l’offre.

Trois ans après son lancement, comment se porte la marque Paille-en-Queue ?

« De la création graphique à
l’embouteillage, c’est à La Réunion
que nos vins prennent vie. »
Lancée en 2022, la marque Paille-en-Queue s’est fait connaître très rapidement. Elle fait pleinement partie de l’entreprise et de son offre. Comme toute jeune marque, son identité et sa signature gustative se construisent progressivement. À la base, je voulais avec Paille-en-Queue une marque qui rende hommage à La Réunion et qui se repère très vite en rayon avec ses étiquettes bleues. Cette étape atteinte, il fallait mieux redéfinir le positionnement de ce produit. J’ai donné carte blanche à notre directrice du marketing, Christine Lauret, et c’est sur la base d’un nouveau cahier des charges que Paille-en-Queue évolue, avec un design plus moderne et impactant et une gamme renouvelée, mieux adaptée aux attentes des consommateurs. Aux côtésde notre languedoc et de notre côtes-du-rhône, nos best-sellers Paille-enQueue, nous avons lancé un blanc moelleux en AOC Bergerac qui a déjà trouvé sa clientèle. Nous avons aussi lancé un IGP Pays d’Oc pinot noir, cépage emblématique des vins de Bourgogne, un vin friand, en cohérence avec le climat tropical de La Réunion. Et nous avons changé notre proposition de rosé en optant pour un gris de gris, plus minéral et offrant plus de fraîcheur en bouche que l’IGP Méditerranée. Enfin, nous avons changé notre fusil d’épaule en matière de bordeaux en proposant un bordeaux aux notes plus boisées, mieux harmonisé aux plats réunionnais pour les accords mets et vins.
Allez-vous également développer votre activité de distributeur de marques, à l’image de vos partenariats avec Diageo et Isautier ?
Les spiritueux représentent pour nous un complément de gamme, exclusivement distribués dans les circuits Nicolas et CHR. Leur développement reste ouvert, sans contrainte. Au même titre que l’offre de bières artisanales de La Réunion, ils nous permettent d’enrichir notre service auprès des clients, tout en intégrant des acteurs locaux à notre activité de distribution. Une approche gagnant-gagnant qui soutient l’économie locale tout en élargissant notre portefeuille.
Propos recueillis par Olivier Soufflet
Photos (p. 25 à 28) Pierre Marchal











